Introduction - page 2

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La musique

La vie musicale à Saint-Boniface fut, dès le début, tout aussi intense que la vie théâtrale. Marius Benoist et Alexandre LaRivière dans leurs textes combinés, «La Musique à la cathédrale de Saint-Boniface, 1818-1935», en retracent l'histoire depuis l'arrivée des premiers missionnaires. Excellents chantres, les abbés Provencher et Dumoulin développèrent chez les colons de la Rivière-Rouge le goût du chant d'église.

Sœur Eulalie Lagrave, S.G.M., arrivée en 1844, mit à profit ses talents de musicienne en formant une chorale de jeunes gens. Elle devança ainsi l'abbé Georges Dugas qui, devenu curé de la cathédrale en 1870, fondait à son tour une chorale. Quelques années auparavant, en 1867, en tant que directeur du Collège, il rassemblait une fanfare pour cette institution.

Benoist et LaRivière parcourent ainsi les années rappelant d'innombrables artistes et chanteurs qui se firent entendre et applaudir à Saint-Boniface et à Winnipeg. Ainsi se succèdent des personnages tout aussi colorés les uns que les autres : militaires, aventuriers, fils à papa, vedettes étrangères, voire excentriques! Nos collaborateurs glissent ça et là à leur sujet quelques traits biographiques : presque tous ces «maîtres» aboutirent ailleurs et autrement... On aurait donc tort de s'étonner de rencontrer, encore aujourd'hui [en 1980], à Saint-Boniface, tant d'oiseaux de passage, de personnalités talentueuses, mais parfois insoumises. Il en fut toujours ainsi : Radio-Canada, semble-t-il, a remplacé pour eux l'attrait du Far West.

Bien qu'en musique, les efforts individuels semblent avoir foisonné, c'est la chorale de la cathédrale de Saint-Boniface et ses orgues qui ont offert le principal lien de rencontre aux chanteurs et aux musiciens. Quiconque avait du talent, un jour ou l'autre, s'y retrouvait.

Se complaisant dans le passé historique, Benoist poursuit son étude jusqu'en 1884. Pour sa part, LaRivière continue jusque vers les années 1930 en identifiant les principaux membres de la chorale de la cathédrale. Il termine en rendant hommage à deux fidèles de la scène musicale : Joseph Vermander, le directeur de la fanfare La Vérendrye, et Marius Benoist qui, entre autres choses, fut maître de chapelle à la cathédrale pendant plus de quarante ans.

Maurice Prud'homme, lui-même préposé aux grandes orgues de la cathédrale durant plus de vingt-cinq ans, poursuit l'historique entamé. Remontant à 1840, il raconte l'histoire mouvementée des cloches de la cathédrale ainsi que les aventures et les mésaventures des orgues, depuis l'harmonium-portatif-maison des années 1840, jusqu'au Casavant aux quarante-huit jeux parlants de 1935. Enfin, avec une certaine rigueur et une certaine concision, il dresse la liste des choristes, des organistes et des maîtres de chapelle. Leur rendant honneur, il cite l'apport de Paul Salé et Rodolphe Pépin.

Jean-Joseph Trudel, lui, s'intéresse à l'activité musicale laïque, de 1871 à 1898. Nous revoyons le Club dramatique de l'Union des secours mutuels qui présenta une opérette d'Offenbach; et le Cercle Provencher, fondateur d'une fanfare et d'une société orphéonique.

À ces groupes succédèrent les Forestiers catholiques de la cour Saint-Boniface. Trudel rappelle ensuite la visite de la cantatrice et vedette internationale, Albani, de son vrai nom Emma La Jeunesse.

Ancien du Collège, Trudel ajoute encore des réminiscences de ses cours et des professeurs de musique qu'il connut à son Alma Mater, entre 1901 et 1910.

Le Père Martial Caron, élève au Petit Séminaire à partir de 1913, puis collégien, rappelle plusieurs noms déjà mentionnés par Trudel. Il parle de la fanfare du Petit Séminaire, dirigée par Deslandes, de l'orchestre du Père Paulin Bleau, S.J., et du Trio lyrique de Marc Meunier. Comme il le fit pour le théâtre, il se remémore les grands moments de la vie musicale du Collège jusqu'en 1945, et cela comme en contraste avec «les polémiques et les personnalités majeures du monde musical des collèges de l'Est».

De l'activité propre du Père Caron, retenons ses grands spectacles dramatiques, avec orchestre, tels L'Âme huronne, et Les Lapins, fantaisie reprise dans le cadre du festival de la Chanson française au Manitoba–festival dont il nous entretient longuement et auquel il donna d'ailleurs tout son dynamisme de 1946 à 1954, et de 1962 à 1965.

Pour terminer, Marius Benoist enchaîne avec ses «Souvenirs d'une vie musicale» qui font voir un homme un tant soit peu aigri, désillusionné–c'est son droit... Sa franchise a du bon : elle nous fait reconsidérer le passé d'une façon un peu plus sobre. En dressant la liste des réalisations éclatantes d'une époque révolue, nous oublions sans doute trop facilement les difficultés, les rêves qui promettaient plus que la réalité ne donna. Benoist n'oublie pas ses déceptions. Peut-être pas assez, quand bien même, car sa carrière fut marquée de nombreux succès qu'il ne faudrait pas oublier. Lui-même compositeur, musicien et éducateur, il mentionne l'orchestre la Sinfonietta et le Cercle Calixa-Lavallée, qu'il fonda, puis dirigea pendant de nombreuses années.

Comme il a été dit précédemment pour le théâtre français au Manitoba, la musique chez les francophones a connu une activité beaucoup plus vaste que celle relevée par nos collaborateurs. Afin d'ouvrir la voie aux intéressés, voici un bref aperçu d'autres pages de cette histoire. Nous y entrevoyons de nombreux sujets de recherche.

Si le chant liturgique à la Rivière-Rouge remonte à l'arrivée des abbés Provencher et Dumoulin, le chant populaire, lui, y vibrait déjà depuis longtemps. En effet, il y avait belle lurette que les Voyageurs, peut-être même précédés par quelques explorateurs, faisaient résonner les vieilles chansons de France dans les forêts, sur les rivières et dans les plaines9.

Nourri de cette tradition, le Métis Pierre Falcon, né en 1793 dans le district de la rivière du Cygne, exprima la réalité quotidienne de son peuple dans des compositions telles que La Chanson des Métis et La Chanson de la Grenouillère. Cette dernière relate l'événement de 181610.

Les Canadiens qui vinrent s'établir à la Rivière-Rouge, puis au Manitoba, apportèrent avec eux l'amour de la chanson française. Presque toutes les familles se copiaient un cahier de chansons. Dans les années 1940, alors que quelques familles le faisaient encore, les chansons du Hit Parade américain dominaient la collection de plus en plus. De toute façon, ces cahiers avec des douzaines de chansons, dont quelques-unes au moins étaient de composition locale ou adaptée à la circonstance11, donnent une bonne idée du répertoire des chansons qui ont pu égayer les veillées d’alors.

Les historiques des paroisses nous en apprennent aussi beaucoup à ce sujet. Ainsi lit-on que le père de Gabrielle Roy, établi à Saint-Alphonse vers 1885, aimait chanter de sa voix de baryton Chère Virginie, «les larmes aux yeux», et La Chanson des cartes. Vers la même époque, Charles Lafrenière, chanteur renommé à Notre-Dame-de-Lourdes, composa des chansons dont une Complainte dans laquelle il rappelle les épreuves de sa vie12.

Les chansons des Voyageurs sont entrées dans le folklore. En 1934, le club des raquetteurs Le Voyageur de Saint-Boniface–qui célébrait cette année-là son 52e anniversaire de fondation–attira l'attention du Free Press par sa participation à la guignolée13. La correspondante du journal, Françoise Prendergast, notait dans le répertoire du club les chansons Alouette et Le Brigadier, mises à l'honneur encore aujourd'hui dans le cadre du Festival du Voyageur de Saint-Boniface14.

Les Voyageurs apportèrent non seulement leurs chants, mais aussi leur violon. Les Métis adoptèrent cet instrument pour créer la «gigue de la Rivière-Rouge». Eux qui excellaient à la chasse, se firent un titre de gloire d'être les meilleurs danseurs et les meilleurs violoneux. En témoigne le violon dit «Larivière», de 1848, conservé au Musée de Saint-Boniface. Notre collaborateur Alexandre LaRivière mentionne dans son texte un certain Latournelle, qui fut chantre à la Rivière-Rouge vers 1820 : «[...] il jouait le violon, dit-il, talent précieux alors et qui lui donnait un grand prestige auprès de la population de la Rivière-Rouge».

Dans la région de Saint-Alphonse, vers 1890, les Canadiens se rassemblaient souvent pour des veillées, soit chez le violoneux Félix Lussier ou chez Joseph Choquette15. À Notre-Dame-de-Lourdes, Charles Lafrenière, encore, «violoneux aux doigts agiles, était l’invité nécessaire de toutes les soirées, où il activait les gigues de sa musique endiablée16».

Les Métis ont conservé leur prédilection pour le violon. Il y a quelques années décédait Andy Desjarlais, après une longue carrière durant laquelle il enregistra un très grand nombre de disques17. Chez les Franco-Manitobains de la période actuelle [1980], le violon, la gigue et les danses carrées font partie des spectacles que présente annuellement la troupe des Danseurs de la Rivière-Rouge (jadis nommée Les Gais Manitobains). Fondée sur le modèle de l'Ordre de Bon Temps de Samuel de Champlain, la troupe veut propager par ses chansons et ses danses la traditionnelle «joie de vivre» des Canadiens français.

À elle seule, la danse pourrait faire le sujet d'une longue étude. Benoist, dans le premier article du présent ouvrage, parle d'une excursion en bateau qui eut lieu à la Saint-Jean-Baptiste en 1879 : «Signor Tarento, avec sa harpe et son violoniste (sic) feront de la musique à bord du Cheyenne. Des quadrilles, des cotillons, etc.» Vers 1890, la famille Bissonnette de Saint-Joseph dansait des quadrilles et des gigues durant ses veillées18. À Saint-Laurent, vers 1907, Mme Boutal dit qu'on dansait la gavotte19. Anciennement, à Aubigny, tous les dimanches, on faisait le charivari, une danse-défilé. Derrière un Métis monté à cheval, les jeunes gens partaient à la guerre20. En 1928, au Cercle Molière, c'est la farandole qu'on apprenait lors des répétitions de l'Arlésienne. Pierre Commune, père, dut l'enseigner aux comédiens2l. Enfin, un article paru dans La Liberté et le Patriote, en 1949, proclamait : «Alerte et en bonne santé, Mme Gilberte Charbonneau, centenaire de Sainte-Rose-du-Lac, danse le "cotillon".22»

Il y a lieu de rappeler ici l'attitude du clergé qui interdisait toute danse aux fidèles, surtout vers le tournant du siècle. Dans un texte, conservé à la S.H.S.B., sur les origines de la paroisse Saint-Hyacinthe de La Salle, Sœur Berthe Alarie, F.D.L.C., relève les injonctions faites dans le livre de prône de 1894 à 1909. En cette dernière année, notamment, il est dit : «Sont défendues les danses vives ou par la taille–on ne peut les danser sans pécher gravement. De plus, les mères de familles qui autorisent ou laissent faire ces danses dans leur maison ne peuvent être admises aux sacrements23.» Mgr Langevin n'entendait pas rire à ce sujet.

La Circulaire du clergé du 2 février 1910 s'en prit même aux prêtres trop libéraux : «Nous ne pouvons pas supposer pour un instant que les prêtres séculiers ou réguliers de ce diocèse, osent mettre en question Notre droit de défendre aux fidèles, en général, les danses par la taille [...]» L'archevêque ne pactisait pas, non plus, avec «la haute société». Nul cotillon n'a dû secouer les Beaux Esprits autant que lui. Sa Grâce d'ajouter : «Ce que Bossuet a appelé les hennissements de la chaire se font entendre malheureusement en haut et en bas de l'échelle sociale et l'Église Catholique n'a pas de pires ennemis de sa morale si pure que les mondains qui posent en catholiques et qui parlent et agissent en païens24

Nous avons vu que l'abbé Georges Dugas forma une fanfare au Collège, en 1867. Mais que devint-elle, et qu'en est-il des autres fanfares de Saint-Boniface?

La fanfare de l'abbé Dugas, dite la première dans l'Ouest canadien, était composée d'élèves. La plupart étaient de Saint-Boniface, mais il y en avait aussi du Sud (St. Paul’s), de l'Est, comme de la région de la rivière à la Pluie, et du Nord, des postes de la baie d'Hudson. Le Collège était le seul endroit où les jeunes pouvaient être initiés à la musique. La fanfare prenait part aux processions de la Fête-Dieu et aux célébrations de la Saint-Jean-Baptiste. On en trouverait même des échos dans les récits des événements de 1869.

Après quelques années, l'abbé Dugas fut remplacé par le Père joseph-Théophile Lavoie, O.M.I., et vers 1876, la fanfare disparut.

Le Cercle Provencher, comme le rapporte Trudel, fonda une deuxième fanfare en 1663. Albert Bétournay, organiste à la cathédrale, en fut nommé directeur. En. 1865, lui succéda J. Perreault, pianiste et cornettiste. La fanfare s'éteignit en même temps que le Cercle dont elle dépendait, soit vers 1867.

Les autorités municipales prirent la relève en 1891, en organisant la Fanfare indépendante. Son premier directeur fut Paul Salé, un ancien de la fanfare du Cercle Provencher. Bruno Vermander, qui dirigeait à la fois la fanfare des Cavaliers à Winnipeg, le remplaça l'année suivante. À la mort de Vermander, moins d'un an plus tard, Joseph Senez en prit la direction; lui-même fut remplacé par Paul Salé.

La Fanfare indépendante, devenue la Fanfare de Saint-Boniface cessa ses activités vers 1903. Au même moment, se fondait à l'École industrielle une fanfare que dirigea Paul Salé.

En 1904, on vit apparaître un autre groupe, La Lyre, confié à Raoul Vézina, venu du Québec. Ce dernier céda plus tard sa place à Édouard Jean qui, lui, fut remplacé par Hubert Duyvejonck. En 1910, La Lyre devint la Fanfare de la Cité de Saint-Boniface. Ses directeurs furent Nicolas Piroton, Albert Simoens et Les Hall.

En 1912, un groupe de la chorale de la cathédrale de Saint-Boniface fonda la fanfare La Vérendrye, assurant ainsi la participation musicale à la procession annuelle de la Fête-Dieu. Les fondateurs aimaient également rire, si on peut en croire La Petite Feuille, publiée à Saint-Boniface, le 29 août 1913. En effet, on y donne un reportage d'un «enterrement d'vie d'garçon». À l'honneur, Alfred Bleau. Blow for Bleau fut interprété par l'orchestre «Kisrala» soit dix-huit musiciens-gaillards de la fanfare La Vérendrye.

La fanfare La Vérendyre a pu s'enorgueillir d'une longue carrière. Jusqu'en 1962, elle participa à toutes les fêtes municipales et religieuses; et pendant au moins dix ans, après 1952, elle donna des concerts dans les parcs de Saint-Boniface. Elle s'éteignit en 1970. Les premiers directeurs avaient été Paul Salé (1912-1921) et Joseph Vermander (1921-1943). À son 50e anniversaire, le directeur en était Henri Devion25.

Vers la fin du XIXe siècle et durant les premières années du XXe, Français et Belges vinrent en bon nombre alimenter les milieux cultivés du Manitoba français. Ce fut le cas, entre autres, de notre collaboratrice Pauline Boutal, de son époux, Arthur Boutal, ainsi que du cofondateur du Cercle Molière, André Castelein de la Lande.

Comme le disent LaRivière et Prud'homme, Paul Salé figure au premier rang des musiciens venus de France. Il était arrivé au Manitoba en 1886. Pendant plus de 33 ans, il se voua à la musique sous toutes ses formes. Maître de chapelle et organiste à la cathédrale, il fut professeur de piano au Collège, directeur de la Fanfare indépendante, principal fondateur de la fanfare La Vérendrye et directeur de cette fanfare jusqu'en 1921. À ses heures, Salé fut aussi compositeur. On connaît de lui : En Nouant sa raquette, romance manitobaine, publiée en 1896; ce chant, avec paroles d'Edmond Buron, fut composé pour le club des raquetteurs Le Voyageur (l'exemplaire en possession de notre collaborateur, Marius Benoist, porte cette dédicace du parolier : «Après 37 ans d'éloignement, j'hésite à reconnaître cet enfant. Edmond Buron.»); Bouquet de violettes, une valse publiée en 1919; et La Cloche de Saint-Boniface, publiée en 1920, paroles de Pierre Lardon. En 1919, le compositeur avait également publié The Khaki Lads, une marche; Pleurs cachés, une valse, et il annonçait la publication prochaine d'une autre marche, Au Plateau de Vimy, et de deux autres valses, Simone valse, et Tendresse valse. De Salé, nous connaissons aussi sa Marche de l'École Provencher, publiée en 1919, et Too Late My Dear, un «three step» publié la même année. Au verso de cette dernière publication, l'éditeur mentionne : «Le Professeur Salé publie une série de six magnifiques valses, dont chacune est l'espression [sic] de sentiments qu'un homme peut éprouver dans les différentes périodes de sa vie. Elles sont intitulées comme suit : 1. Dans l'attente, 2. Le Premier baiser, 3. Les Fiançailles, 4. Le Mariage, 5. Un An après, 6. Les Noces d'or26

D'autres Français ont aussi laissé un heureux souvenir : René Brun, le rédacteur du Nouvelliste, fut professeur de chant et de piano au Collège, ainsi que directeur du Club dramatique français de Winnipeg; le vicomte Joseph Saqui de Sannes, typographe au Nouvelliste, «musicien très doué […] arrangea un Stabat Mater pour quatre voix, que Paul Salé fit exécuter à la cathédrale27».

Avant l'ère de la musique enregistrée, tout le monde devait assurer ses propres divertissements musicaux. Les milieux ruraux ayant à organiser eux aussi des fêtes municipales et paroissiales n'accusèrent guère de retard sur la ville.

Vers 1897, les paroissiens de La Broquerie mirent sur pied une fanfare pour les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. L'ancien maître de chapelle, Aristide Rocan, en fut le directeur28. En avril 1899, on organisa à Saint-Alphonse une fanfare composée de Belges et de Canadiens français. Le directeur était Eugène Agarand et le président, Hector Leroy29. Vers cette époque Gustave Hutlet, un Belge wallon, forma la Fanfare de Bruxelles. En 1905, L'Union de Bruxelles lui succéda, dirigée par Elie LeDoyen et Adolphe François30. En 1907, Saint-Claude se dota d'une fanfare que dirigea Jean-Louis Picton et, en 1912, ce fut au tour de Sainte-Rose-du-Lac où le chef de la fanfare, Isidore Pinvidic, successeur d’Henri Fouchard, remportait de brillants succès31. Enfin, notons la fanfare de Somerset (1915) que dirigea le baron Jehan de Froment de Champdumont. Originaire de Moulins (Allier), il fit un premier séjour au Manitoba avant de partir temporairement pour Malacca (Malaisie britannique). Il revint s'établir au Manitoba où il mourut en 193732.

Évidemment, le chant religieux retentit dans les campagnes dès l'arrivée des premiers prêtres. À Saint-Malo, dès l'inauguration de la nouvelle chapelle, vers 1891, Amédée de Linarès s'improvisa accompagnateur à l'harmonium et forma un chœur de chant. Alexandre LaRivière, notre collaborateur, y ayant assisté, aurait parlé avec enthousiasme de la première messe de minuit33.

Tout comme on avait jubilé à Saint-Boniface lorsqu'on reçut l'orgue Mitchell, ainsi les premiers harmoniums durent faire partout la joie des chantres et des paroissiens. En 1892, l'église de Notre-Dame-de-Lourdes s'enrichit ainsi d'un gros harmonium Merklin, arrivé de Paris avec les bagages du Père Germain. L'instrument avait été acheté en partie avec des fonds recueillis en Alsace par le Père Marie-Antoine Straub, ou offerts par sa famille34.

Le 3 mai 1902, eut lieu à La Broquerie une séance à l'occasion de la fête patronale du curé, l'abbé Alexandre Giroux. Des jeunes filles et des jeunes garçons donnèrent un concert de violon, d'accordéon, de haut-bois, d'harmonica et d'harmonium35.

L'influence bretonne se fit ressentir à Saint-Laurent lorsqu'en 1908 la paroisse inaugura sa nouvelle école. Au cours d'une soirée récréative comprenant du chant, de la musique et des déclamations, on offrit deux opérettes. La première, Les Chansons de la reine Anne, se passait devant un château breton. Les interprètes étaient Marie, Amanda et Suzanne Trudel, Augustine et Joséphine Hulin, Marie et Antoine LeGoff. L'autre opérette, Le Petit Ramoneur, fut jouée par Suzanne Trudel et Antoine LeGoff 36.

Les succès remportés ce soir-là présageaient ceux encore plus retentissants du Cercle Molière que dirigera une autre LeGoff, Pauline Boutal.

LaRivière, Benoist et Trudel rappellent les personnalités d'avant la Première Guerre mondiale. Parmi les chanteurs de concert et d'opéra plus près de nous, il y aurait à redécouvrir la carrière, entre autres, de Thérèse Deniset, Louise Roy, Rolande Garnier, Georges Paquin et Sylvia Saurette; et aussi celle de Rosa Genthon, Albert Pilon, Simone (Chauvière) Etsell, Marie Boivin, Odile Ragot et Léa Brodeur. De plus, il faudrait suivre la carrière, entre autres, de Diane Berger et d'Alphonse Tétrault. Quant aux musiciens, on pourrait, par exemple, signaler les francophones membres de l'orchestre symphonique de Winnipeg. En 1949, au concert du 75e anniversaire de la fondation de Winnipeg, on comptait au moins cinq francophones : Horace Boux, Émile Couture, Antoinette Corbeil (violon); Émile Bernier (trombone et trompette); et Frank Simon (harpe et violon)37.

Antoinette Corbeil fit ses débuts à la Sinfonietta sous Marius Benoist. À ce propos, il faudrait bien un jour étudier l'influence d'éducateurs comme Marius Benoist, de même que le rayonnement d'initiatives telles que le Cercle musical Lavallée.

Pensons en outre au rôle qu'ont joué les Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, ainsi que toutes les communautés enseignantes pour qui l'enseignement de la musique était une source de revenu non négligeable. Dans le cas des Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, ces dernières ont eu, dès le début de leur œuvre, des professeurs de musique qualifiées. D'ordinaire, la maîtresse de musique préparait aussi le chant à l'école et souvent même le chant liturgique paroissial. Outre le piano, elle enseignait parfois la harpe, le violon, l'orgue, et plus tard la guitare et la flûte à bec38.

Quant au chant choral, l'œuvre privilégiée du père Caron, il se continue dans le chœur des Intrépides, fondé par Marcien Ferland, dans celui des Blés au vent, formé par Guy Boulianne, et dans l'Alliance chorale du Manitoba (l'ancien Mélo-Mani), un organisme qui rassemble tous les «choralistes» en sessions d'étude et de perfectionnement.

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© Les Éditions du Blé, 1980.

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