À la découverte du Saint Jean-Baptiste et du Jacques Cartier de Terrebonne : d'hypothèses en mystères
Bernard Mulaire, ESSE, arts + opinions, Montréal, no 23 (automne 1993), p. 64 à 71.

Présentation
Il y a à l'École secondaire Saint-Sacrement de Terrebonne deux statues qui semblent former une paire, détail qui pique tout de suite la curiosité des visiteurs, étant donné le caractère inusité de ce jumelage. Les statues, un Saint Jean-Baptiste et un Jacques Cartier, occupent les niches de chaque côté de la porte principale du hall d'entrée. Faites de plâtre, ces statues sont peintes de couleur vieux bronze et mesurent chacune environ 164 cm (64 "1/2) de hauteur.
Le Saint Jean-Baptiste se dresse dans la niche de droite, le Jacques Cartier, dans celle de gauche. Cet ordre de lecture inversé ou anachronique découle d'une logique imposée par la direction des regards et de la gestuelle des statues qui, ainsi, se répondent.
La composition du Saint Jean-Baptiste relève du type iconographique établi par les Évangiles. L'ascète, qui se réfugia dans le désert et qui baptisa le Messie, est vêtu d'une peau de chameau. Retenue à la hanche gauche, cette peau remonte à l'épaule droite d'où elle retombe à l'arrière, laissant nus les jambes, le torse et les bras du saint. Une fine courroie traverse la poitrine dans un même mouvement. Le Précurseur porte les cheveux ondulés jusqu'aux épaules, la barbe courte. Il regarde vers la droite, sa main droite levée dans un geste déclaratoire, tandis que sa main gauche pointe vers le sol où est couché à ses pieds, du côté droit, un agneau, symbole du Messie. Un tronc d'arbre, en plâtre, accolé à la jambe gauche, supporte la statue.
Comme le veut la tradition, la main gauche du saint aurait tenu à l'origine une «croix de roseau» à laquelle aurait été fixée une banderole proclamant : Ecce agnus Dei, un abrégé de la salutation que Jean-Baptiste réserva à Jésus : «Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.»
La photo 3 montre le Saint Jean-Baptiste tel qu'on l'apercevait à l'été de 1988. Il était alors endommagé à plusieurs endroits (main droite, bras gauche, peau de chameau sur la hanche gauche, base). Il y a quelques années, d'habiles mains le restaurèrent bien que, depuis, son bras droit se soit cassé de nouveau à l'épaule, là où le bras se rattache [au corps de la statue].
La statue de Jacques Cartier est en parfait état, si ce n'est un éclat causé à la langue de l'une de ses chaussures, bris qui n'existait pas encore à l'été de 1988.
Le célèbre Malouin, qui découvrit le Canada en 1534, est représenté dans une pose qui renvoie au portrait de lui, popularisé au 19e siècle, et que plusieurs ont vu dans les anciens manuels scolaires. La tête droite, le regard déterminé, Jacques Cartier porte une chevelure ondulée qui touche l'oreille, et une barbe soignée. Il est vêtu d'un costume d'époque comprenant une sorte de toque, ou couvre-chef, une tunique avec collet plissé, ainsi que pourpoint, haut-de-chausses, gants et bottillons. On suppose que les jambes sont recouvertes de bas. La main droite est appuyée sur la hanche correspondante, alors que la main gauche tient une courte tige de bois arrondie (visible en arrière de la main seulement; le devant de la main est bouché de plâtre). Un bollard enroulé de cordage sert d'appui à la statue du côté gauche. Détail : incrusté dans le vêtement, sous la main droite, un petit anneau en métal.
Si les deux statues forment une paire, vu la direction des regards, et une certaine disproportion anatomique (le Jacques Cartier est gros de tête, court de jambes; le Saint Jean-Baptiste, déhanché), elles n'ont pas été conçues, de toute évidence, pour les niches qui les accueillent. Cela se voit par leurs bases qui, trop profondes, dépassent le bas des niches. Tout au plus quelqu'un a-t-il modifié la forme des bases, d'ailleurs dissemblables, pour qu'elles se conforment à la concavité des niches.
Le jumelage que leur emplacement actuel impose aux statues soulève plusieurs questions. Depuis quand ces statues sont-elles là? Leur jumelage s'explique-t-il? Qui les aurait faites? Quand?
© ESSE, 1993
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