Collection «Miroir» : Hubert Garnier – La sculpture architecturale

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Version du 29 août 2017.

INTRODUCTION

Depuis longtemps la sculpture avait gêné les artistes à cause de l'investissement considérable qu'elle entraîne. Ne se permet pas qui veut de réaliser ses fantaisies en marbre et en bronze. Même au dix-neuvième siècle, si féru de monuments publics, les sculpteurs avaient souvent dû louer leurs services soit à des architectes pour l'ornementation d'édifices soit à des entrepreneurs de monuments funéraires*. Habitude que Hubert Garnier a fait sienne.

Dès ses débuts, l'apprentissage de la sculpture exigea de Garnier beaucoup d’initiative. En l'absence d'institution qui offrît des cours en la matière, il se forma auprès d'artistes établis en se rendant chez eux, sur les chantiers de travail, en se joignant à d'autres comme lui désireux d'apprendre les rudiments du métier.

Garnier eut très tôt la chance d'entreprendre une œuvre d’envergure, le Monument belge à Saint-Boniface (consacré aux soldats belges de la Première Guerre mondiale), occasion qui se concrétisa plus tard sous la forme de grandes statues comme le Christ de la Church of Christ d’Edmonton et ceux des églises Christ the King et Holt Cross de Regina.

Souvent lui arriva-t-il de travailler pour des fournisseurs de pierres tombales. Ce fut le cas aux États-Unis et plus tard au Canada. Il travailla ainsi, notamment, pour Les Monuments Brunet de Saint-Boniface. Les carrières l'embauchèrent aussi, telles McDonald Cut Stone à Vancouver et Tyndall Quarries à Winnipeg pour qui il réalisa respectivement la sculpture ornementale extérieure de l'hôtel Vancouver à Vancouver et de l'hôtel Bessborough à Saskatoon.

Même si l'art funéraire n'attirait pas les mécènes au Canada autant qu’en Europe ou aux États-Unis, Garnier signa des stèles dont le monument aux soldats de la Première Guerre mondiale à St. James (Winnipeg), le buste de Sir Patrick Shea au cimetière St. Mary de Winnipeg et des plaques commémoratives au palais législatif du Manitoba à Winnipeg.

La Dépression incita les gouvernements à créer des emplois. Garnier put donc collaborer en tant que sculpteur architectural à des projets tels l'Auditorium civique [6] et l'immeuble du Gouvernement fédéral à Winnipeg.

Le sculpteur ornemaniste comptait au rang des artisans maçons et plâtriers. Il lui fallait se rendre sur les lieux pour participer aux projets locaux. Cela incita Garnier à parcourir l'Ouest du canadien et les États-Unis. Plus tard, lorsqu'il fut établi à son compte, les architectes s'adressèrent directement à lui.

Winnipeg l'encouragea de façon assidue. Garnier contribua, en effet, à presque tous les immeubles majeurs du temps y compris la synagogue Shaarey Zedek pour laquelle il produisit d’admirables portes de tabernacle. En même temps, ce sont les provinces de l'Ouest qui lui confièrent ses plus importants contrats : la Banque royale du Canada et l'hôtel Vancouver à Vancouver; la synagogue House of David (tabernacle) et le Musée d'histoire naturelle de Regina (hauts reliefs sur la façade) et les reliefs consacrés aux Communication sur l’édifice Saskatchewan Government Telephones à Regina. Penticton, en Colombie-Britannique, lui confia la réalisation de sa Fontaine du Centenaire.

Garnier se mesura au gigantesque dans la sphère de la sculpture ornementale. Voir le Musée d’histoire naturelle de Regina et la cathédrale des saints Vladimir et Olga à Winnipeg. Même la création d'emblèmes et d'écussons lui permit d'aborder les grandes dimensions. Voir la bâtisse de la Banque Toronto-Dominion à Winnipeg et celle du Gouvernement fédéral à Edmonton.

Garnier fit ce qu'il aimait grâce à son extraordinaire capacité d'adaptation. C'est volontiers qu'il travailla le bas et le haut-relief et la ronde-bosse, qu'il utilisa la brique, la pierre, le marbre, le granit, le nickel, l'aluminium, le bronze et l'or, ainsi que le bois et le cuir. À quelques reprises, des contraintes économiques l'amenèrent à se servir de matériaux de substitution telle la pierre moulée qu'il semble avoir proposée aux architectes de l'Auditorium civique de Winnipeg – et à l'utilisation de laquelle il aurait initié son « maître » Charles Marega.

De plus, son métier exigea de lui d’aborder tous les styles, du plus classique à l’art déco.

Enfin, Garnier a travaillé en étroite collaboration avec d'autres sculpteurs; il a composé avec les désirs de clients et les directives sinon les dessins d'architectes. Le défi a été pour lui comme pour les artisans depuis le début des temps de créer en dépit des restrictions. S'il donna souvent libre cours à son imagination [le Monument belge à Saint-Boniface, les reliefs du Musée d’histoire naturelle de Regina, ceux illustrant les Communicationa...], c'est souvent dans les détails qu'il s’est imposé. Voir par exemple les différences qui caractérisent les emblèmes de la Banque de Montréal à Winnipeg et à Toronto.

La présente exposition ne se veut pas exhaustive. Elle a été préparée surtout en puisant aux souvenirs de l'artiste, lui qui, préoccupé par le quotidien, n'eut jamais le souci archivistique. Nous n'avons pu tout trouver, tout vérifier. Il faudrait préciser les dates et les dimensions des œuvres. Nous présentons une ébauche de documentation et espérons qu'elle aidera à faire mieux connaître un artisan-sculpteur qui consacra sa vie à agrémenter notre quotidien.

*Maurice Rheims, « La sculpture au XIXᵉ », Arts et métiers graphiques, Paris, 1972.

Objets faits à la main au Manitoba français >>

© Bernard Mulaire, 1976/2017.

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