Avant-propos
Raymond-M. Hébert dans Bernard Mulaire, Caricatures, Les Éditions du Blé, Saint-Boniface (Manitoba), 2016, 103 pages.
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Cette collection de caricatures de Bernard Mulaire constitue un document essentiel de la période de la révolution tranquille au Manitoba français. Avec sa perspective un peu éloignée du feu de l’action à l'époque, le caricaturiste, tour à tour ironique ou acerbe, mais toujours avec une grande verve humoristique a réussi à capter l’essentiel (parfois ridicule, avouons-le!) des débats du jour. Sa perspective ironique correspondait parfaitement à celle de la jeunesse de l’époque (les 20 à 30 ans surtout) qui ont fait cette révolution, ce qui fait de Mulaire de facto un des artisans de cette révolution. Ces caricatures méritent amplement d’être « ressuscitées » tant pour leur valeur historique que pour leur qualité artistique.
On était au début des années 1960 au Manitoba français. Au Collège de Saint-Boniface, les jésuites maintenaient la routine : messe quotidienne, journées de 12 heures, sept jours par semaine, cours axés sur le latin et la littérature française.
À l’extérieur, cependant, la révolte était dans l’air. C’était la période de la contre- culture, du mouvement afro-américain pour les droits civils, du début de l’opposition à la guerre du Vietnam et au Québec la révolution tranquille battait son plein. Même à l’intérieur du Collège, une nouvelle génération de jeunes jésuites encourageait la lecture d’œuvres contemporaines considérées suspectes, comme Camus, Sartre et Gide. Le nouveau roman, la Nouvelle Vague, le théâtre de l’absurde étaient à l’affiche.
Les jeunes collégiens de l’époque commencèrent à s’exprimer librement dans le journal étudiant Frontières, et les plus politisés remettaient en question les structures sociales de leur communauté. Le collégien Bernard Mulaire y fit ses premières armes comme caricaturiste, découvrant le potentiel subversif de son art.
Plus tard, le jeune contestataire fit publier quelques caricatures dans La Liberté et le Patriote, journal oblat « officiel » de la communauté franco-manitobaine, poussant les frontières du bon goût (tel que défini par le clergé !) jusqu’à son éjection des pages du journal. En 1964, la parution d’un journal bilingue contestataire dans le milieu, le Courrier de Saint-Boniface, accueillit Bernard à bras ouverts, et y publia parmi ses œuvres les plus osées et les plus cinglantes. Bernard se tailla ainsi une place de choix dans ce qu’on a appelé par la suite la « Révolution tranquille au Manitoba français ».
Quel plaisir de voir enfin recueillies en un seul endroit ces œuvres vieilles de plusieurs décennies mais qui restent, à bien des égards, actuelles et demeureront pour toujours ancrées dans la conscience collective du Manitoba français!
- Raymond-M. Hébert
Politologue, professeur émérite de l'Université de Saint-Boniface
© Les Éditions du Blé, 2016.
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