Catherine Mulaire, née Lacerte (1843-1922) : enseignante métisse laïque du Manitoba
Bernard Mulaire, Site Web de la Société historique de Saint-Boniface (SHSB), « Au pays de Riel », 14 avril 2020. (Repris dans les Cahiers franco-canadiens de l’Ouest, vol. 33, nos 1 et 2 (2021), p. 231-277.)
imprimerLa vie de Catherine Mulaire, née Lacerte (mon arrière-grand-mère), mériterait de faire l’objet d’une biographie d’envergure, sinon même d’un film, car sa vie a traversé l’histoire de l’Ouest canadien. Cela prend forme dans l’épopée des voyageurs et coureurs des bois, celle de la nation métisse, de la Rivière-Rouge, de Pembina au Minnesota (actuel Dakota du Nord) et du Manitoba naissant. Catherine a bénéficié d’une formation privilégiée dans un grand couvent du Canada, est entrée en religion, se trouva mêlée à un scandale, assuma le rôle d’épouse et de mère, et de veuve, fit preuve à tout instant d’un zèle infatigable pour la transmission du savoir, ce qui signifiait pour elle la religion.
Le chercheur peut puiser à de multiples sources la concernant : fonds d’archives, recherches de généalogistes, livres d’histoire sur l’Ouest canadien, biographies de personnes connues, articles et mémoire savants, courtes biographies qu’on lui a consacrées dans des ouvrages collectifs, sans oublier les témoignages des membres de sa famille.
Dans le présent texte, je brosserai un portrait de sa vie que d’autres ont racontée, tout en privilégiant trois épisodes qui l’ont marquée, soit ses études chez les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, à Longueuil, et le rôle qu’elle a joué dans la saga des Sœurs de la Propagation de la Foi, œuvre de l’abbé Georges-Antoine Belcourt. Enfin, je traiterai de son enseignement et de sa vieillesse. Parfois, je devrai avoir recours à des suppositions pour interpréter la documentation, par ailleurs fort riche.
Table des matrières
Première partie : enfance (1843-1855)
L’Ȋle-à-la-Crosse : naissance
Née à l’Ȋle-à-la-Crosse (Cumberland) dans les Territoires du Nord-Ouest le 15 octobre 1843, Catherine était le premier d’environ 22 enfants (dont une dizaine mort-nés ou avant d’atteindre l’âge adulte) de Louis Lacerte, voyageur et forgeron à l’emploi de la Compagnie de la Baie d’Hudson 1 au Fort Cumberland, et de Josèphe (ou Josephte) Vandal. Ces derniers s’étaient mariés l’année précédente à la mission de Saint-Boniface, lui âgé de 21 ans; elle, de 17 ans. On pense que Louis travaillait déjà au Fort Cumberland et a pu revenir se marier à la Rivière-Rouge à l’automne 1842, puis y serait retourné avec sa jeune épouse 2.
Louis et Josèphe étaient métis. Les grands-pères de Louis (paternel et maternel) étaient canadiens et ses grands-mères, autochtones. Josèphe, pour sa part, avait un père canadien et une mère métisse, née probablement de mère autochtone.
La petite famille s’agrandit rapidement. Ainsi, après Catherine en 1843, naquirent Marie (1845), Louis (1847) et Josephte (1848) 3.
Louis Lacerte, père, pratiquait aussi le métier de guide. En effet, en 1846-1848, il accompagna le Père Alexandre Taché, O.M.I., et le prêtre Louis-François Richer Laflèche dans leurs courses missionnaires de la Rivière-Rouge à l’Ȋle-à-la-Crosse. De septembre au 7 novembre 1849, il guida Albert Lacombe, prêtre, de St. Paul à Pembina au Minnesota (dans l’actuel Dakota du Nord). Le jeune Lacombe venait porter main-forte à l’abbé Georges-Antoine Belcourt 4.
La montagne Pembina : M. Georges-Antoine Belcourt
Vers 1848-1849, Louis transporta sa famille à Pembina au Minnesota, suivant en cela l’exemple de M. Belcourt qui avait obtenu de l’évêque de Dubuque, dans l’État de l’Iowa, la charge d’en évangéliser les habitants (Reardon 89). Notons que, dès lors, le missionnaire ne relèvera plus de l’évêque de la Rivière-Rouge.
Pembina était devenu un point de ralliement important pour les Métis du Nord-Ouest. La chasse aux bisons s’amenuisait et, en fond de scène, tramait toujours un conflit avec la Compagnie de la Baie d’Hudson qui exerçait un monopole sur la traite des fourrures, les Métis souhaitant faire commerce de façon autonome (Reardon 79-84). M. Belcourt joua un rôle catalyseur à attirer les Métis à Pembina. Missionnaire zélé, il avait toujours préféré accompagner les autochtones et les Métis dans leurs pérégrinations, dans l’espoir de les évangéliser.
De grande taille, linguiste connaissant les langues autochtones; forgeron, mécanicien, ainsi que habile charpentier et menuisier, métiers dont il tirait un gagne-pain (Reardon 121), le Canadien Belcourt agissait souvent sans se soumettre aux volontés de l’épiscopat de Saint-Boniface. Mgr Norbert Provencher, en effet, soutenait l’implantation des Métis à la Rivière-Rouge, en appui à la Compagnie de la Baie d’Hudson et au gouverneur George Simpson. Bref, le missionnaire s’était ainsi acquis l’admiration indéfectible de ses ouailles, entre autres, des plus de 1025 Métis.
À Pembina, M. Belcourt avait fondé une mission qu’il déplaça plus tard 30 milles à l’ouest et dédia à Saint-Joseph, l’actuel Walhalla (Reardon 68, 99, 121; 161), mission qui fut déplacée encore plus loin à Leroy en 1873. M. Belcourt allait résider à Saint-Joseph de façon permanente à partir de 1853.
Dans l’intervalle, les Lacerte eurent quatre autres enfants : Adèle (ou Agnès) (1850), Joseph (1852), Octavie ou Virginie et Françoise (1854). Louis s’employa à conduire le courrier l’hiver en traîne à chiens entre Pembina et St. Cloud, et des marchandises du sud au nord en utilisant de 20 à 25 charrettes 5.
Catherine apprit à lire à huit ans sous l’abbé Albert Lacombe, et ce, au presbytère de M. Belcourt. Catherine se souviendra toujours de la grande inondation qui frappa Pembina en 1852.
En 1854, vers l’âge de 10 ou 11 ans, Catherine commença à aider son institutrice canadienne Juliette Lefebvre (Fortier 21 et 29; Boyd 86, 91) à enseigner les prières et le catéchisme aux autochtones en langue sauteuse 6. Mlle Lefebvre avait fait un début de noviciat chez les Sœurs Grises de la Rivière-Rouge. Catherine, pour sa part, parlait le mitchif, le sauteux et le français.
Six ans plus tôt, M. Belcourt avait réalisé son rêve de fonder une congrégation d’enseignantes qu’il nomma les Sœurs de la Propagation de la Foi. Il avait tenté auparavant, mais sans succès, d’obtenir que les Dames Ursulines des Trois-Rivières lui fournissent quelques-unes de leurs sœurs 7.
Six ans plus tard, sa congrégation était composée de cinq novices « filles du pays » et allait accueillir plusieurs autres jeunes aspirantes. Elles se consacraient à l’évangélisation des populations locales, dont les « sauvages » gênés devant les missionnaires. Parlant au moins trois langues, elles pouvaient enseigner les langues autochtones aux missionnaires eux-mêmes.
Dans une lettre qu’il adressa le 27 juin 1854 à la supérieure Sœur Sainte-Marie aux Trois-Rivières, le 27 juin 1854, M. Belcourt lui demanda de contribuer à son œuvre en formant deux candidates. « [J]’ai ici deux bons petits sujets, deux petites métisses, qui sachant lire et écrire, ayant quelque connaissance de la géographie et du calcul, un peu de grammaire et bon talent; si vous y consentez en fin, je vous les menerai pour que vous nous les dressiez avec l’habileté qui vous est propre pendant un ou deux ans […], puis je les ramenerai pour servir de modèle et y propager vos vertus et vos connaissances 8. »
Le missionnaire pensait sûrement à Catherine et à sa camarade Léocadie Martel dont il sera amplement question ci-devant.
Le 11 avril 1855, M. Belcourt était au Canada cherchant de l’aide. Il écrivait à un correspondant qu’il partirait de Montréal ou de Longueuil 9.
Le missionnaire allait-il discuter du cas de Catherine et de Léocadie avec les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, établies à Longueuil? On peut le croire parce qu’à la fin août, il les confia en effet au couvent de Longueuil. Qui défraya les religieuses? Plus tard, M. Belcourt affirmera avoir beaucoup aidé Catherine et certains prétendront que M. Lacombe avait aussi payé ses études. Ce n’est pas impossible, mais les archives indiquent que Mgr Taché demanda lui-même, pour elle, la protection de la supérieure, Mère Véronique du Crucifix 10.
Les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie à Longueuil : une instruction privilégiée
Le parrainage exercé par Mgr Taché pourrait surprendre vu les différends qui l’opposaient à M. Belcourt. En revanche, Mgr Taché connaissait bien le père de Catherine et a dû croire qu’elle possédait les aptitudes requises. La biographe de Mère Véronique du Crucifix, deuxième supérieure de la congrégation à Longueuil, révèle même qu’elle et ses premières Sœurs connaissaient bien Mgr Taché. En effet, c’est avec l’aide des Oblats de Marie Immaculée, ordre auquel ce dernier appartenait, que la congrégation avait été fondée peu auparavant en 1843.
De plus, Mgr Taché avait fréquenté le noviciat des Oblats à Longueuil et avait alors connu Mère Véronique du Crucifix (MVC II:180). Étant revenu d’Europe, où il avait été sacré évêque d’Arath, in partibus, par le fondateur des Oblats Mgr Eugène de Mazenod, le nouvel évêque fut reçu au couvent avec tous les égards. La biographe de Mère Véronique du Crucifix nota qu'en mai 1851, il partait ensuite pour l’Ȋle-à-la-Crosse (MVC I:179-182), lieu de naissance de Catherine.
La petite Lacerte connaissait un destin exceptionnel, mais non pas unique, car elle avait été envoyée parfaire son éducation avec sa camarade, Léocadie Martel. Les accompagnaient Sœur St-François-Xavier (Isabelle Gladu), supérieure des Sœurs de la Propagation de la Foi, ainsi qu’« une sœur de la Rivière-Rouge » (une Sœur Grise?) (Fortier 11). Les voyageuses durent arriver à Longueuil épuisées, le trajet depuis Pembina ayant pris plus d’un mois. Elles avaient pu voyager en charrette, en bateau à vapeur et peut-être même en canots pour atteindre Longueuil. Le trajet n’a pas été reconstitué, mais, vu le mode de transport de l’époque, il a dû comprendre un arrêt à St. Paul et, de là, les cours d’eau.
On devine le dépaysement que Catherine et Léocadie ont vécu. Arrachées à leurs familles et leur milieu métis (la mission de Pembina comptera plus de 1500 catholiques en 1856) (Fortier 12), elles auraient vu des édifices imposants à St. Paul, dont la population grimpera de quelque 1000 habitants en 1850 à plus de 10 400 en 1860. Située sur le fleuve Saint-Laurent, en biais droit de Longueuil, Montréal, dotée de 58 000 habitants en 1852, revêtait toutes les qualités pour impressionner les voyageuses. C’est sans parler du vaste couvent des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie à Longueuil. Il sera rapporté que lors de son retour à Pembina, Sœur St-François-Xavier s’arrêta au couvent des Sœurs Grises à Bytown [Ottawa] (Fortier 11) et en fut subjuguée.
À son arrivée à Longueuil, Catherine fut inscrite au registre comme étant « âgée de 14 ans, fille de Mr Louis Lacerte forgeron de la montagne de St Joseph de Pembina mise par notre père St Joseph ». L’expression « mise par notre père St Joseph » signifiait qu’elle était admise par charité 11.
Âgée en fait de près de 12 ans, Catherine exhibait-elle une maturité rare pour son âge ou a-t-on vite compris l’erreur, si ce n’est sur le plan de son niveau de scolarité?
Catherine et Léocadie entraient comme pensionnaires. Or, en 1855, le couvent en accueillait 110, en plus des 280 élèves externes; en 1856, il y aura 118 pensionnaires et 291 externes; en 1857, le nombre total s’élèvera encore à plus de 400 12. Aux élèves, ajoutons les religieuses, les novices. Une mer de monde.
Le couvent de Longueuil offrait aux jeunes filles une éducation de qualité comparable à ce que dispensaient les meilleurs couvents du Canada. Très élaboré, le prospectus de 1854, décrivait la mission des religieuses : « inspir[er] à leurs Élèves les principes religieux qui doivent servir de base à toute bonne éducation, en formant leur esprit et leur cœur par les connaissances convenables à la position qu’elles doivent occuper dans le monde ». (SSNJM, L001/B2,2)
Le plan d’études, que Mère Véronique du Crucifix peaufinera à l’instigation de Mgr Ignace Bourget, l’évêque de Montréal, s’inspirait de celui des Frères des Écoles Chrétiennes. Il comprenait une grande gamme de sujets pour l’époque : « la Lecture, l’Écriture, la Grammaire, la Géographie sacrée et profane, l’usage des Globes, un Cours complet d’histoire comprenant l’histoire ancienne, moderne, naturelle et fabuleuse, l’art épistolaire, la rhétorique, l’arithmétique, l’horticulture, la tenue des livres, l’art de bien tenir une maison » et tout type de travaux à l’aiguille.
Le but n’était pas de former les jeunes filles pour le monde du travail ou pour l’université, mais pour qu’elles deviennent de bonnes mères de famille, vues comme « les premières éducatrices de la société », autonomes dans la sphère qui leur était assignée 13.
La lecture portait sur les « bons auteurs ». La biographe de Mère Véronique du Crucifix précisera qu’elle se forma à l’écriture en partie en lisant les lettres de Mgr Bourget (MVC I:306).
L’histoire fabuleuse mise au programme abordait la mythologie, la fable, sources de croyances erronées s’opposant à l’Histoire Sacrée 14.
Les notions de géographie se voyaient complétées par les récits que les ecclésiastiques de passage au couvent racontaient de leurs voyages, l’un à Rome, un autre à Marseille, ou à Lyon, ou même au Chili, sans oublier les étapes de leurs déplacements. À ce sujet, il est faux de croire qu’au XIXᵉ siècle, les populations canadiennes-françaises avaient une vision étriquée du monde. Leur espace géographico-mental s’étendait bien au-delà de leurs villages. À preuve, Catherine et Léocadie, polyglottes, venues du Nord-Ouest américain, dont les aïeuls s’étaient établis sur les rives du Saint-Laurent. De plus, à leur retour chez elles, elles allaient conserver des souvenirs de Montréal et de l’univers canadien.
Enfin, la couture et autres travaux à l’aiguille allaient permettre aux élèves de participer à une œuvre de charité toujours comptabilisée en fin d’année, soit habiller annuellement des enfants pauvres de la paroisse. Plus tard, elles habilleront leur famille.
Le dolorisme chrétien
L’élément primordial de l’enseignement prodigué à Longueuil restait les préceptes de la foi catholique. La biographie de Mère Véronique du Crucifix revient constamment sur la piété des élèves. C’était là le barème essentiel de l’enseignement.
La religion catholique ainsi enseignée plongeait sa sensibilité dans le dolorisme, qui a traversé le christianisme depuis le Moyen Âge jusqu’au renouveau spirituel amorcé par Vatican II. Religion universelle, le catholicisme a beaucoup mis l’accent sur l’identification aux douleurs infligées au Christ et à sa Mère dans un but de transcendance. Faire siennes leurs douleurs, dans sa propre chair, devenait une vertu. Mère Véronique du Crucifix pratiquait notamment les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola.
L’abnégation et la soumission à la volonté divine exprimaient une première forme de dolorisme que Catherine aura l’occasion de pratiquer toute sa vie pour en traverser les épreuves. Chez les religieuses comme les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, cette spiritualité pouvait mener aux châtiments corporels. Quand le couvent de Longueuil vécut une épreuve en 1857, Mgr Bourget incita les sœurs à la pénitence, celles-ci ayant recours volontiers à leurs disciplines et autres cilices (MVC I:284). L’imagerie de la Semaine Sainte : le Christ au pilori (ou à la colonne), le Ecce Homo, le Christ sur la croix, la Pietà; les dévotions à Notre Dame des Sept Douleurs, au Sacré Cœur de Jésus et au Sacré Cœur de Marie; la création de communautés comme les Chanoinesses Régulières des Cinq Plaies du Sauveur, les Filles de la Croix, la Congrégation de Sainte-Croix, les Religieuses du Précieux-Sang sont autant de manifestations de ce courant.
Évoquer le XIXᵉ siècle est aussi faire appel au romantisme, c’est-à-dire à l’exacerbation des sentiments qu’on a cultivés à fleur de peau. Ainsi, dans sa biographie, Mère Véronique du Crucifix fond-elle souvent en larmes, subjuguée par l’émotion que provoque en elle, par exemple, le départ de l’évêque de Montréal ou de religieuses missionnaires. Ses larmes rappellent celles de la Vierge, endolorie par la mort de son Fils.
Proches des Oblats, les Sœurs vibraient à l’évangélisation des « sauvages », mission qu’embrassaient Mgr Taché et M. Belcourt. Avant même d’accueillir Catherine et Léocadie, le couvent avait reçu une petite Montagnaise dans le but de la sortir des noirceurs de la barbarie, lui faire découvrir l’amour du Christ. Or, que de pleurs furent versés quand elle décéda prématurément en 1852 (MVC I:181-182).
Le Règlement de la vie des élèves se nourrissait de cette religiosité. Se faire accepter dans la Congrégation des Saints Anges comme fut le cas de Catherine et de Léocadie en 1855 et 1856 respectivement et dans la Confrérie du Sacré Cœur de Jésus, les deux en 1855 (SSNJM, L001/B1,2 et L001/B1,4), avec ses cérémonies d’adhésion, ses vêtements et prières obligatoires, donnait un avant-goût de la vie consacrée.
La promulgation du dogme de l’Immaculée Conception exalta les sentiments religieux dans tout le catholicisme, et combien ardemment au couvent de Longueuil en 1855. Mgr Bourget revenu de Rome vint raconter la magnificence des fêtes.
Montréal
Catherine et Léocadie seraient-elles allées à Montréal? Sans doute en arrivant et en quittant par bateau vapeur, mais qu’en aurait-il été entre temps? En 1856, une délégation d’élèves et de religieuses assista à la cérémonie de translation des reliques de sainte Justine destinées au couvent de Longueuil. La procession quitta l’église du Bon-Secours, direction le ferry reliant Montréal et Longueuil. Sur l’autre rive, une pareille délégation se joignit au groupe pour accompagner les reliques au couvent (MVC I:267, 273-274). Nul ne sait comment Catherine et Léocadie ont participé à l’événement.
Des moments de réjouissances scandaient aussi le calendrier : fêtes religieuses avec accompagnements musicaux, parfois avec procession, décorations des chapelles et des églises, visites des évêques et dignitaires, après-midis « au bois », collations spéciales offrant des moments de répit à la rigueur du quotidien.
Enfin, n’oublions pas les saynètes qui clôturaient les jours de festivité et la distribution des prix en fin d’année scolaire. En 1856, on interpréta Fabiola, une comédie française et une tragédie anglaise; en 1857, Élisabeth de Hongrie ou le triomphe de la vertu; et, en 1858, un dialogue composé par Mère Véronique du Crucifix sur la géographie de la Terre Sainte (MVC I:264, 269, 283). À tout coup, la biographe de Mère Véronique du Crucifix nommait les vedettes. Filles de notables? Jamais Catherine et Léocadie.
Dans cet univers si radicalement différent du leur, Catherine et Léocadie ont dû ne jamais se quitter, surtout durant le congé annuel, l’été, qui durait un mois et demi. Et combien douce la protection de Mère Véronique du Crucifix qui répondait aux attentes de Mgr Taché, l’évêque « bien connu », lequel visita le couvent en 1857. Mgr Taché n’aurait-il pas alors voulu revoir Catherine et Léocadie? Avec quelle fierté ne se seraient-elles pas inclinées devant leur protecteur, seul lien avec leur monde antérieur?
Deuxième partie : engagement (1855-1871)
Les Sœurs de la Propagation de la Foi : un début de missionnariat
Catherine, quasi 14 ans, et Léocadie, âgée de 19 ans, retournèrent à la mission de Pembina à la fin de l’été 1858 (Fortier 13). La supérieure, Sœur St-François-Xavier (Isabelle Gladu) les accompagnait. À St. Paul, elles furent rejointes par deux religieux français, l’abbé Joseph Goiffon et le Frère Thimothé (Pierre Curtaz), membre de la congrégation des Frères de la Sainte-Famille (Fortier 13-14).
Catherine et Léocadie entraient alors comme novices chez les Sœurs de la Propagation de la Foi. À Saint-Joseph, M. Belcourt avait construit une bâtisse de deux « étages » pour abriter les religieuses et l’école (Fortier 9). On a aussi dit que les Sœurs habitaient au sous-sol de l’église (Reardon 159). Déjà en novembre 1855, M. Belcourt prévoyait que son œuvre ferait la gloire des missions; des bourgeois y amenaient leurs filles, d’autres lui promettaient de lui confier les leurs. Plus de 120 élèves fréquentaient l’école 15.
Selon Reardon (162), la congrégation comptait sept religieuses et des novices. Treize femmes ou filles, y compris Catherine et Léocadie, ont été identifiées (Fortier 21-23). Au moins trois étaient canadiennes. M. Belcourt fera valoir qu’elles pouvaient interpréter les « langues sauteuses, crise, Siouse, assininibwan, française, anglaise, Italienne et almande [sic] » 16.
De plus, les religieuses offraient une instruction de base ressemblant à ce qu’offraient les Sœurs Grises à la Rivière-Rouge.
Malheureusement, Mgr Taché n’appuyait plus M. Belcourt. En 1859, alors que le missionnaire était au Canada cherchant des appuis pour son œuvre, un scandale éclata (Boyd 101-116; Fortier 17-21). Fortier conclut que le Frère Thimothé et l’abbé Goiffon avaient comploté contre lui et que Mgr Taché les a crus.
La rumeur voulut que le Frère avait vu M. Belcourt entrer au couvent pour y passer la nuit. D’autres placotages avancèrent que les Sœurs Catherine Lacerte et Madeleine Klyne (Sœur Ste-Philomène) allaient danser le soir avec le Frère Thimothé.
Pour se défendre, les jeunes Sœurs prétendirent que M. Belcourt avait abusé d’elles; Louis Lacerte et d’autres auraient porté plainte auprès de l’évêque Thomas Grace de St. Paul; les plaintes remontèrent jusqu’à Mgr Taché qui se rendit à Saint-Joseph en voulant arranger les choses. Quoi qu’il en ait été, la congrégation fut dissoute et les autorités ecclésiastiques se concertèrent pour interdire à M. Belcourt de revenir à Pembina. (Fortier 21; Boyd 91)
Les liens qui avaient uni les Sœurs de la Propagation de la Foi et les Sœurs Grises ressortent dans une lettre adressée le 22 juin 1859 par Sœur Marie-Louise Valade de Saint-Boniface à Mère Julie Deschamps, la supérieure de l’Hôpital général de Montréal. Semblant vouloir dissiper le scandale, Sœur Valade racontait que : « ces pauvres filles ont quitté l’habit religieux et il paraît que la surprise des habitants ne pouvait être égalée que par la vénération qu’ils avaient eue pour elles pendant qu’elles portaient le nom de Religieuses. […] Trois de celles qui étaient venues du Canada, ayant probablement obtenu la dispense de leurs vœux, sont retournées dans leur pays au départ de la première caravane […] Une des petites filles qui ont été instruites en Canada chez les Srs de Longueuil a une école et l’autre doit aussi obtenir une place semblable. » On devine qu’il s’agit ici de Catherine et de Léocadie 17.
Enfin, la lettre de Sœur Valade expliquait que deux des ex-religieuses, dont une Canadienne, avaient demandé l’admission chez les Sœurs Grises, ce qui leur avait été refusé, si ce n’est qu’on avait offert à la Canadienne, pour l’en décourager, le statut inférieur de « fille donnée », soit celui de pauvre servante laïque. La Canadienne était Sœur Ste-Agathe, alias Juliette Lefebvre, qu’on ne voulut plus revoir (Reardon 162; Fortier 91).
En 1860, certaines des anciennes religieuses tenteront en vain d’obtenir l’intercession de l’évêque de Québec (Fortier 21).
Cruellement déçu, M. Belcourt incita les Métis, le 19 février 1862, à signer une pétition adressée à l’évêque de St. Paul et à l’archevêque de Québec leur demandant de permettre son retour à Pembina. Pierre Lacerte, possiblement le frère de Louis, la signa 18, alors que Louis ne la signa pas.
Amer, le missionnaire écrira aux Métis : « En relisant vos noms je cherche en vain le nom de plusieurs que je sais être mes amis, le nom de Louis Lacerte, dont l’enfant depuis l’âge de sept ans, m’a causé tant de dépenses et dont l’ingratitude ne m’a payé que de chagrin. Pourquoi Louis Lacerte est-il opposé à mon retour? Quand j’ai dépensé pour son enfant plus que pour tous les autres ensemble. » Magnanime, il déclara : « Quoi qu’il en soit, je pardonne à tous 19a. »
Mariage avec le Canadien Joseph Miller, alias Mulaire
Après cette esclandre, Catherine se retira à Saint-Joseph, où, apparemment, elle eut sa propre école, sans doute jusqu’à son mariage, le 24 novembre 1862, avec Joseph Miller, alias Mulaire, un coureur des bois/commerçant. Catherine avait 19 ans; lui, 25. Pierre Lacerte, possiblement l’oncle de Catherine, témoigna au mariage 19b. L’exotisme de leur parcours respectif les avait-il rapprochés? Catherine se démarquait par son éducation privilégiée reçue à Longueuil et, Joseph, par ses origines canadiennes.
Joseph Miller, alias Mulaire, était né à Saint-David de Yamaska le 26 mars 1837, le deuxième des 13 enfants issus du mariage de Joseph Muler, alias Mulère, avec sa seconde épouse, Henriette Théroux (Paul), de descendance acadienne.
Deux enfants étaient nés du premier lit de Joseph Muler/Mulère avec Lucie Morin. Joseph était lui-même le fils de Charles Mulre, originaire du duché de Brunswick en Allemagne 20.
Mercenaire à la solde des Britanniques, probablement lors de la guerre d’indépendance américaine (1775-1783) (Mulaire 2006 10, 101-102), Charles Mulre s’était établi dans la région de Sorel à la suite des conflits.
Les Acadiens implantés dans la région après le Grand Dérangement s’étant montrés peu enclins à appuyer les Britanniques, le gouvernement britannique avait « loué » des soldats allemands dont un bataillon fut stationné à Saint-François-du-Lac au Yamaska. Ce bataillon y restera jusqu’en 1783 21.
Le cœur l’emportant sur la raison, des unions se formèrent, dont celle de Charles et de Marie-Antoine (Antoinette) Arneaux dit Lafleur, les parents de Joseph Muler/Mulère.
Selon les souvenirs de la famille Mulaire, Joseph Muler/Mulère, éleveur de chevaux, avait conservé le caractère sévère, à l’allemande, de son père soldat, ce qui déplaisait à son propre fils Joseph Miller/Mulaire. Vu ce différend, ce dernier quitta la famille et le Yamaska vers 1854, alors qu’il avait environ 17 ans, pour tenter sa chance dans les Territoires du Nord-Ouest 22.
Il n’agissait pas en loup solitaire, puisqu’à l’époque, il était dans les mœurs que les jeunes hommes, atteints par la situation économique, partent soit bûcher du bois ou faire le commerce des fourrures.
Il s’avère, en effet, que 40 % des voyageurs et coureurs des bois du Nord-Ouest provenaient de la région de Yamaska (Barman 56, 80). Les Lacerte venaient eux-mêmes de Baie-du-Febvre (Yamaska), tout comme l’abbé Belcourt. Ils partageaient donc une même culture.
En intrépide aventurier, Joseph Miller/Mulaire se serait rendu directement à la Rivière-Rouge 23. Intégré à la population métisse, il est probablement descendu à Pembina dans le cadre d’une excursion commerciale, le sort faisant que son regard croise celui de Catherine, la maîtresse d’école éduquée au Canada.
Diligente, Catherine communiqua avec la famille de son époux dès après leur mariage pour lui apprendre la bonne nouvelle. La famille s’inquiétait du sort de Joseph parti « chez les sauvages » 24.
C’est alors [1863] que Louis Lacerte, « fatigué de la vie d’anxiété et de danger à laquelle le contraignaient les Sioux » 25, acheta une terre à Pointe-Coupée dans l’actuelle province du Manitoba et y emmena sa famille y compris le jeune couple 26.
La situation à Pembina était devenue dangereuse. Les Sioux se rebellaient contre les Blancs et les Métis qui envahissaient leur territoire. Des conflits les opposèrent même avec d’autres tribus. Il éclata en 1862 ce que l’on appela la Guerre des Sioux. Déjà en 1854, des autochtones avaient volé 16 chevaux appartenant aux Métis, en plus de trois appartenant à M. Belcourt et un, aux Sœurs. Ce méfait avait conduit les Métis à les attaquer en représailles, tuant trois d’entre eux 27.
En 1863, planait encore en fond scène le scandale auquel Catherine avait été mêlée.
Pointe-Coupée (Saint-Adolphe) / Saint-Norbert / Saint-Jean-Baptiste : la question des terres
La localité de Pointe-Coupée où Louis Lacerte acheta une terre faisait partie de la paroisse de Saint-Norbert, et en sera séparée plus tard pour devenir la paroisse de Saint-Adolphe 28.
Maintenant incorporées comme villages, ces localités se trouvent au sud de l’actuelle ville de Winnipeg. Saint-Jean-Baptiste est situé plus au sud.
L’emplacement des terres possédées par la famille Lacerte-Mulaire n’a pas encore été précisé. Outre celle achetée par le patriarche à Pointe-Coupée (Saint-Adolphe) en 1863, signalons les scrips revendiqués par Louis, son épouse Josèphe Vandal et leur fille Catherine en 1870-1875 (Boyd Appendix A).
Le 2 juillet 1870, l’abbé Noël Ritchot, nouvellement curé de Saint-Norbert, avait incité ses paroissiens à prendre possession des terres à la Rivière-aux-Rats (Jolys 40), en résistance au projet de transfert au Dominion du territoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson (Mailhot).
Le lendemain, plus de 30 hommes suivirent le prêtre. « Il y avait là déjà quelques établissements existant en permanence, entre autres, l’établissement de Lacerte, à l’ouest de l’endroit où se trouve Otterburne. » (Jolys 40)
Cette prise de possession anticipait une demande faite le 15 juillet 1870 au gouvernement canadien par Louis Lacerte, « commerçant », son épouse Josephte, ainsi que leur fille Catherine Miller, « alias Mulaire ». Ils espéraient, en tant que Métis vivant à Saint-Norbert, obtenir des terres ou de l’argent. Le paiement se ferait sous forme de « scrip » ou certificat appelé « Metis Land Scrip » ou Certificat des Métis (Boyd Appendix A).
On comprendra que n’étant pas métis, Joseph Miller/Mulaire, l’époux de Catherine, s’abstint. Sous serment signé le 23 novembre 1870, Louis, Josephte et Catherine prétendirent chacun à 160 acres de terre ou 160 dollars.
Fait intéressant : les documents, tous identiques, contenaient la clause par laquelle les requérants affirmaient ne pas avoir fait d’autres demandes du genre, « nor have I claimed or received, as an Indian, any annuity moneys, from the Government of said Dominion ». En bas des documents, une note atteste que les scrips furent émis en septembre 1876. La question : ont-ils pu être utilisés?
Le peu que l’on sache, c’est que Joseph Miller, âgé de 32 ans, et Louis Lacerte, âgé de 53 ans, figurèrent au recensement de la Rivière-Rouge de 1870 29.
Au sujet d’une propriété à Saint-Norbert, le curé Noël Ritchot écrivit à Mgr Taché le 2 février 1881 concernant une maison-école, dite « chez Madame Milaire », sise sur une terre qu’il avait prise pour la paroisse de Saint-Norbert dans « l’arrondissement scolaire de Pointe-Coupée (Nᵒ 4 en St. Norbert) ». Les contribuables avaient décidé de transporter cette bâtisse, construite 15 ou 16 ans auparavant, de l’autre côté de la rivière. M. Ritchot ne s’y opposait pas parce que la plupart des enfants se trouvaient de ce côté de la rivière.
Le curé Ritchot voulait savoir, toutefois, si la « patente » (patent) ou brevet sur la terre avait été « énactée » (enacted). Si oui, « je pourrais peut-être donner quelques choses aux commissaires de cet arrondissement pour aider à bâtir une maison d’École [de l’autre côté du cours d’eau] et la maison actuelle où l’École se fait resterait sur la terre de l’Église. 30 ». Comme Catherine enseignait à Pointe-Coupée depuis le mois de janvier 1866, c’est-à-dire depuis la construction de la maison-école, ces bouleversements ont dû la préoccuper au plus haut point.
Les titres de propriété à la Rivière-aux-Rats se révélèrent difficiles à protéger. Le 9 mars 1885, un dénommé Gabriel [Cloutier] expliqua à Mgr Taché que les titres des lots 39 et 38, attribués à Louis Lacerte et Catherine Miller respectivement, étaient contestés. « Sur le lot 39 il y a plusieurs réclames, et la plus puissante est celle de Thomas Burns qui jure avoir trouvé là en 1877 une maison non habitée, qu’il s’y est installé, et qu’il prétendait en faire son Home sweet Home. »
Quant à la terre de Catherine, le même Gabriel [Cloutier] écrivait : « Le lot 38 n’est réclamé que par la veuve Miller, mais la preuve est très pauvre. Il n’y a qu’à l’allonger et à l’interpréter – Madame Miller a hypothéqué cette terre 31. »
En lien avec ces affaires, un document manuscrit conservé à la SHSB, intitulé Rat River Land difficulty, peut-être de la main de Mgr Taché, attestait que les prétendants aux terres de la Rivière-aux-Rats avaient dûment fourni au Lands Department tous les documents requis dans les règles établies par l’Act of Manitoba, loi adoptée par le parlement du Dominion. Ainsi rien ne justifiait que les titres accordés aux Métis de la Rivière-aux-Rats ne soient reconnus, d’autant plus qu’ils paraissaient sur la carte du Land Office de Winnipeg.
« Widow Miller possesses the claim Nᵒ 38 since 1864. […] There are still on the same lot a house, a stable and a garden; still the claim is marked on the map as to be disallowed […].
« The claim Nᵒ 39 which belongs to Mr. Louis Lacerte is in similar circumstances; also possessed since 1864. Still the Land office says it will be disallowed 32. »
De plus amples recherches devront être entreprises pour connaître la suite de l’histoire. Les difficultés rencontrées par Louis et Catherine illustrent la saga de la spoliation de leurs biens que les Métis ont subie au moment du transfert au Canada du territoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson.
On pourra soupçonner que la veuve Miller n’a pas réussi à conserver ses titres, et que cela fera partie des épreuves qu’elle dénoncera toute sa vie.
En revanche, nous savons qu’au tournant du XXᵉ siècle, elle et ses fils possédaient des terres à Otterburne de part et d’autre de la rivière, ses fils possédant des terres connexes 33.
Troisième partie : veuvage (1871-1922)
Veuve et enseignante
Depuis la Pointe-Coupée, Joseph Miller/Mulaire allait perpétuer la tradition métisse de son beau-père en transportant à dos de cheval le courrier et autres marchandises jusqu’« aux lignes » ou jusqu’à St. Paul ou St. Cloud au Minnesota 34.
Aussitôt, le jeune couple eut cinq enfants : Alfred, le 8 octobre 1863, décédé à trois jours; Marie-Catherine, le 2 septembre 1865, décédée le 19 juin 1866; Emma le 25 juin 1867; Hermine et Honoré, le 18 juillet 1869; Hermine mort-née.
Le destin faisant des siennes, Joseph décéda le 25 avril 1871 des suites d’une pneumonie qu’il avait contractée en transportant du courrier ou des marchandises à dos de cheval jusqu’aux lignes américaines 35.
Catherine se retrouvait veuve à 28 ans. Elle avait deux enfants vivants, Emma, 4 ans, et Honoré, 2 ans, et elle portait Joseph-Hilaire (mon grand-père), né le 12 juillet suivant.
Contre toute attente, selon les mœurs de l’époque, elle ne se remaria pas. Comment ne pas croire que le curé ne lui ait pas proposé la main d’un veuf du village, père éploré de plusieurs jeunes enfants? On entend la supplique : « Mais Catherine, tu peux pas rester veuve avec des bébés sur les bras. Adélard te ferait un bon mari, travailleur. Et pis, il a besoin d’aide et tu es jeune. Tu pourrais encore faire des enfants. Regarde ta mère, elle vient d’avoir son 21e. »
En effet, la même année, la mère de Catherine, Josèphe, âgée de 46 ans, donnait naissance à son 21ᵉ enfant Jérôme. C’était avant Alphonse, le dernier et 22e, né en 1873 36.
Vraisemblablement animée d’un esprit autonome extraordinaire, Catherine choisit plutôt d’assurer l’avenir des siens en enseignant, le bébé Joseph-Hilaire assis dans une chaise haute devant la classe.
Catherine, qui s’était d’ailleurs remise à l’enseignement dès 1866, consignera ses souvenirs 37 :
« J’ai repris en janvier 1866 au village de St-Adolphe [Pointe-Coupée] 38 jusqu’en 1882. « Au village de Ste-Agathe du temps de Mr Samoisette [curé] en 1882 jusqu’en 1884 39. « J’ai repris à Ste-Agathe-Nord Nᵒ 2 dans ma propre demeure et chauffé l’école en même temps en 1884 jusqu’en 1893 40. « À St-Nicolas de 1893 à 1895. « À St-Jean-Baptiste en 1895 jusqu’en 1897 [plutôt 1899]. Les Commissaires de cette école [me] doivent encore à cette école. « J’ai repris dans ma famille et enseigné aux enfants des voisins dans la maison de Honoré Mulaire alors qu’il n’y avait pas d’école à Otterburne de 1897 [plutôt 1899] à 1912 sans être payée. 41 »
L’enseignement fut toujours pour Catherine une source de revenus. Joseph, son époux, était dit « farmer » 42, en plus d’être commerçant à la manière métisse, mais de toute évidence, cela ne suffisait pas. En effet, en février 1868, Catherine supplia Mgr Taché de lui payer son salaire d’enseignante à Pointe-Coupée. « Monseigneur, lui écrivit-elle, Je suis obligée de m’adresser à vous aujourd’hui à cause de notre pauvreté que je vous demande quatre ou cinq Louis en argent dont j’ai un bien grand besoin. Je n’ai rien reçu encore de dessus mon année [sic] 43.»
L’heure était grave pour les Métis de la Rivière-Rouge. Le 11 novembre 1868, une enquête inventoria les besoins de la population catholique. Le General Report for the Parish of St. Norbert répertoria Joseph Miller. Son domicile comptait deux personnes de sexe masculin et deux, de sexe féminin, dont deux enfants âgés de moins de 12 ans; il possédait deux chevaux, six bœufs, quatre vaches et deux veaux. À ce compte, Joseph ne figurait pas parmi les plus pauvres. Semblablement, le domicile de Louis Lacerte, père, comptait quatre personnes de sexe masculin et six, de sexe féminin, dont cinq enfants âgés de moins de 12 ans; il possédait trois chevaux, cinq bœufs, quatre vaches et six veaux. Ni l’un ni l’autre ménage n’était dit en besoin de secours immédiats 44.
La Colonial and Indian Exhibition à Londres
Toute sa vie, Catherine se consacrera à ses élèves en restant fidèle aux valeurs que lui avaient inculquées les Sœurs des SNJM à Longueuil. Par exemple, elle achetait des livres à Winnipeg pour les accorder en prix à ses élèves à la fin de l’année scolaire 45.
Ses efforts furent couronnés de succès en 1886, quand elle eut l’honneur d’envoyer des travaux de ses élèves à la Colonial and Indian Exhibition tenue à Londres. Son humble école de Saint-Agathe faisait partie d’un contingent de huit écoles représentant la section catholique du Bureau d’Éducation du Manitoba. La sienne était la seule école laïque. Les sept autres étaient dirigées par des religieuses ou des religieux (Boyd 93).
Un rapport présenté en 1895 au parlement canadien en appui aux écoles catholiques du Manitoba expliqua : « A diploma of merit and a medal of honour were sent to each of the schools, as well as to their superintendent […] » 46.
Responsables de certaines des écoles primées, les Sœurs Grises de Saint-Boniface en avaient fait écho dans leurs chroniques dès 1887 47.
Il en fut question aussi dans la Canadian Gazette de Londres, puis dans le journal Manitoba du 17 mars 1887, information reprise en 1904 par Dom Benoît dans sa biographie de Mgr Provencher et, enfin, dans un imposant ouvrage sur l’histoire de l’Église catholique dans l’Ouest canadien publié par A.G. Morice en 1912 (Benoît 566-567; Morice II :404-405).
Mère Véronique du Crucifix : des retrouvailles inespérées
En 1896, Catherine, âgée de 53 ans, reprenait contact avec son ancienne éducatrice, Mère Véronique du Crucifix, âgée de 76 ans.
L’année précédente, les Sœurs des SNJM avaient ouvert un couvent dans le village de Saint-Jean-Baptiste où Catherine habitait. Un jour, elle s’y présenta à titre d’ancienne élève de Longueuil. S’en suivit une correspondance chaleureuse entre elle et Mère Véronique du Crucifix qui s’échelonna irrégulièrement du 16 septembre 1896 au 18 novembre 1902 (Boyd 96-97s; MVC II:413-418). La religieuse décédera en 1903.
L’élève et l’éducatrice s’étaient revues – après 20 ans -- en septembre 1875 au Manitoba même. La religieuse visitait l’Académie Sainte-Marie de Winnipeg dont sa congrégation avait pris la direction l’année précédente. Les Sœurs des SNJM succédaient aux Sœurs Grises. L’Académie Sainte-Marie était alors située à l’angle des rues Notre-Dame et Victoria (MVC II:178-180) 48.
Vingt-et-un ans après ces retrouvailles, une grande complicité se manifesta immédiatement entre Catherine et la vieille religieuse. Dans sa première lettre du 16 septembre 1896, Mère Véronique du Crucifix s’adressait à sa « bien chère Amie », lui conseillait d’inspirer une grande dévotion à ses élèves, de ne pas calculer ses sacrifices, d’ « être heureuse de les offrir à Celui qui a tout fait pour vous ». De plus, elle lui envoyait des scapulaires à distribuer. Le ton était donné pour les courriers à suivre (SSNJM, G1.2/5,28).
Catherine lui répondit le 3 décembre 1896 en la remerciant « mille et mille fois » pour les « beaux et magnifiques scapulaires ». Elle raconta qu’elle commençait sa 36e année d’enseignement, et ce, à Saint-Jean-Baptiste, qu’elle avait 25 élèves et habitait avec un enfant de sept ans, sa seule compagnie. Par ailleurs, Catherine exprimait à son ancienne éducatrice « tous mes sentiments de respect et de reconnaissance pour vos sages avis, pour les marques du profond intérêt que vous m’avez porté lorsque j’étais sous votre direction, vous m’avez aidé [sic] à acquérir des connaissances qui me sont si utiles dans le chemin de cette vie. » Elle ajoutait : « Veuillez continuer Révérende Mère à m’aider, car j’ai plus [dans le sens de ‘encore davantage’] besoin que jamais. » Et elle signait « Votre respectueuse Élève » (SSNJM, G1.2/5,40).
Catherine révélait ainsi la vénération qu’elle vouait à Mère Véronique du Crucifix, et dont on retrouve des attestations 49.
Par exemple, Sr M.-Jean de Dieu, une des fondatrices de l’Académie Sainte-Marie de Winnipeg, ajouta la note suivante au bas de la lettre adressée par Catherine à Mère Véronique du Crucifix le 29 juin 1899, lettre que conserve le Service des archives des Sœurs des SNJM : « J’ai connu cette personne qui avait un culte de vénération pour Mère V. qui l’avait protégée à Longueuil, sur la demande de Mgr Taché. Cette élève était métisse, S. M. J.de Dieu » 50.
Plus tard, en 1916, Imelda et Évélina Mulaire, petites-filles de Catherine et postulantes au couvent des Sœurs des SNJM à Hochelaga (elles prendront les noms de Sr M.-Amanda et de Sr M.-Sévérine) se rendirent compte que Mère Véronique du Crucifix avait parlé avec beaucoup d’intérêt de leur grand-mère à la supérieure, nommément Sr M.-Jean de Dieu 51.
On conclura facilement que Mère Véronique du Crucifix avait été une seconde mère pour Catherine au couvent de Longueuil.
La sympathie qu’elles se témoignaient relevait sans doute des vicissitudes que la vie leur avait imposées. Catherine n’en dit mot, mais elle devait se souvenir comment Mère Véronique du Crucifix avait été démise de ses fonctions de supérieure du couvent de Longueuil en 1857, elle qui avait succédé à la fondatrice, Mère Marie-Rose, de surcroît à la demande de cette dernière.
Un différend avait éclaté dans la congrégation au sujet de la gestion de Mère Véronique du Crucifix. Mgr Bourget résolut le problème en rétrogradant Mère Véronique du Crucifix au rang de sous-assistante de la nouvelle supérieure. Cela avait causé un séisme au couvent. Mère Véronique du Crucifix en éprouva une profonde humiliation soutenue dans les larmes et l’abnégation (MVC I:284-285, 291).
Catherine, pour sa part, n’avait pas besoin d’énumérer les défis qu’elle avait affrontés. Non évoquée par les correspondantes : la saga des Sœur de la Propagation de la Foi, dont Mère Véronique du Crucifix, amie de Mgr Taché, devait tout savoir. Détail éloquent : l’ancienne supérieure demanda à Catherine dans sa lettre du 14 mai 1899 : « Et votre compagne, Léocadie Martel, qu’est-elle devenue? » Mentionner la compagne, c’était mentionner la saga (SSNJM, G1.2/6,16) 52.
Le 29 juin 1899, Catherine expliqua à leur ancienne éducatrice qu’elle n’avait pas vue Léocadie depuis 36 ans, qu’elle habitait au nord du Dakota et, comme elle, était restée veuve avec cinq enfants. Trois vivaient toujours (SSNJM, G1.1/6,21) 53.
Enseignement et missionnariat
Pour Catherine, l’enseignement aura continué d’être un apostolat, une manière de participer à l’évangélisation, tant louée par Mgr Taché, M. Belcourt et Mère Véronique du Crucifix.
Quand Mgr Taché visita le couvent des Sœurs des SNJM à Longueuil en 1852, il inspira à Mère Véronique du Crucifix le désir de suivre ses pas. « Au récit des conversions déjà opérées parmi ces peuplades barbares », rapportait la biographe de la supérieure, « l’esprit apostolique s’éveillait dans l’âme de plusieurs religieuses. Volontiers elles auraient suivi le zélé missionnaire. Mère Véronique du Crucifix comprenait leurs aspirations; elle en éprouvait elle-même; mais elle dominait ses impressions et répétait que, selon les vues de Mère Marie-Rose [la fondatrice], nous devions nous dévouer à l’instruction des enfants de nos paroisses canadiennes. » (MVC I:182-183)
Catherine souscrivit volontiers à cet avis. Dans sa lettre à son ancienne éducatrice datée du 3 décembre 1896, elle lui disait que, de ses 25 élèves, « la plus grande partie ne connaissaient pas un mot du Catéchisme ni des prières ». Mère Véronique du Crucifix l’appuiera dans sa lettre du 1er décembre 1899 (SSNM, G1.2/5,34; G1.2/6,39).
Non moins zélé, l’abbé Belcourt avait exprimé autrefois toute l’horreur que lui avait inspirée l’ignorance du message chrétien quand il dut enterrer trois autochtones en 1854, tués à Pembina dans une échauffourée avec des Métis : « C’est un spectacle révoltant d’assister à une pareille sépulture. Trois irrecevables la… dans l’Éternité sans rien connaître du sort qui les attend, et cela sans excuse, car ils ont refusé le flambeau de la Foi, préféré les ténèbres à la lumière […] 54. »
Croix de chemin : maintenir la foi
Toujours préoccupée par le salut des siens, Catherine ne renonça jamais à ses activités missionnaires. C’est ainsi qu’en 1900, elle fit construire une grande croix en bois, et la fit ériger sur la terre de son fils Honoré à Otterburne. Comme lui et son frère Joseph-Hilaire n’avaient pas les moyens de se rendre à l’église la plus proche, soit celle de Saint-Pierre-Jolys, pour faire leurs dévotions, la croix servirait de solution. Une petite-fille de Catherine se souviendra qu’ils allaient prier au pied de la croix durant les mois de Marie (mai) et du Sacré-Cœur (juin). Catherine souhaitait en même temps protéger ses fils et leurs familles de l’influence des voisins anglais et protestants (Dorge 163; Boyd 92) 55.
Puis vint l’occasion en 1904-1906 d’aider les Clercs de Saint-Viateur qui dirigeaient un orphelinat à Makinak près de Dauphin dans le nord de la province. Logée et nourrie par les Clercs, Catherine fit de la couture pour aider les enfants 56.
Depuis plusieurs années, des épreuves frappaient la famille de Catherine et elle s’en ouvrit à Mère Véronique du Crucifix -- sans que l’on ne connaisse les détails. Son ancienne éducatrice tenta de la consoler : « […] acceptez toujours, avec une humble soumission à la volonté de Dieu, les épreuves de la vie; elles sont de l’or pour acheter le Ciel. »
Pareillement : « […] je vous offre toute ma sympathie et je prie le Seigneur de vous donner la force nécessaire pour soutenir cette cruelle épreuve. […] Je comprends comment votre cœur de mère doit souffrir. Invoquez aussi Notre Dame des Sept Douleurs. »
Mère Véronique du Crucifix ne lui avait-elle pas déjà rappelé l’importance de faire le signe de la Croix avec les cinq doigts de la main, symboles des cinq plaies de Notre Seigneur? Le dolorisme transcendant 57.
Vie familiale et vieillesse : de multiples défis
Entre temps, la vie avait poursuivi son œuvre. Catherine avait subi le décès de ses frère et sœur Pierre et Isabelle après 1874-1876, de sa mère Josèphe en 1878, et de son frère Louis en 1885 (Morin 82).
Par ailleurs, son père Louis s’était remarié en 1879 avec Charlotte Lespérance, veuve de Jean-Baptiste Forcier. Il avait 64 ans; elle, 52.
Sa propre famille s’était agrandie grâce au mariage de ses enfants : Emma avec Félix Grégoire le 10 février 1890; Honoré avec Agathe Laferté le 2 octobre 1892; Joseph-Hilaire avec Amanda Beauvais le 12 février 1895. De ces unions, naquirent plusieurs petits-enfants.
Même veuve, Catherine s’occupa d’orphelins, issus de son entourage, notamment de sa propre famille. Les temps ne pardonnaient pas à la maladie, à la mortalité, surtout infantile, à la pauvreté. En 1896, ne gardait-elle pas un garçon de 7 ans? En 1899, une fillette de 8 ans 58?
En 1901, Catherine dut faire face à un choix décisif, alors qu’elle n’avait pourtant que 57 ans. S’en étant confiée à Mère Véronique du Crucifix, cette dernière lui souhaita d’obtenir une place chez les Sœurs Grises de Saint-Boniface, c’est-à-dire à l’hospice. Mais c’était sans compter sur la résilience de Catherine qui ira plutôt habiter chez ses enfants. Lorsqu’Agathe, l’épouse de son fils Honoré, décéda le 6 mai 1910, Catherine tint maison pour lui, tout en s’occupant de ses enfants. Puis, quand Honoré fut atteint de tuberculose, Catherine le soigna chez Joseph-Hilaire, jusqu’à son décès survenu le 14 septembre 1915 59.
Enfin, c’est chez sa fille Emma et son gendre Félix Grégoire, à Saint-Jean-Baptiste, que Catherine trouva refuge 60.
De ses nombreux frères et sœurs, plusieurs étaient morts à la naissance ou très jeunes. Son frère Louis était resté au Dakota du Nord (Morin 81-82). Par contre, Catherine put revoir les familles de Josephte (époux Bernard Bériault) et d'Adèle/Agnès (époux Herménégilde Bruce), ainsi que les familles de ses plus jeunes sœurs : Justine (époux François-Xavier Chartrand) et Marie-Louise (époux Alphonse Plessis) 61.
La famille a conservé une lettre que Catherine a adressée en 1918 à sa nièce Joséphine Riendeau, née Chartrand. Déjà orpheline de père et de mère, la nièce avait perdu son époux. 1918 : de tuberculose? d’une pneumonie? Chagrinée, la tante revécut son propre deuil : « Il ne peut pas y avoir de plus grands sacrifices, pour deux êtres qui se chérissent. Moi-même, j’ai passé par le même chemin que toi, ma vie a été semée d’épreuves, de ronces et d’épines, consolons [sic] chère enfant, car Dieu éprouve ceux qu’il aime, et disons, que la sainte volonté de Dieu soit faite 62. »
Soulignons qu’un petit-fils de Catherine, Jean-Baptiste, l’aîné de Josepĥ-Hilaire, était décédé à la Première Guerre mondiale, le 5 aôut 1918. Il avait 21 ans.
Catherine demeurera inébranlablement pieuse jusqu’à son dernier souffle. À l’été 1921, ses trois petits-enfants, Sr M.-Amanda (Imelda) et Sr M.-Sévérine (Évélina), toutes deux Sœurs des SNJM à Montréal, et leur frère Télesphore Mulaire, mariste à Poughkeepsie (N.Y.), en visite exceptionnelle chez leurs parents à Saint-Pierre, allèrent la voir à Saint-Jean-Baptiste. Émue de les apercevoir dans leurs habits religieux, la vieille Catherine voulut s’agenouiller devant eux 63.
Véritable matriarche, Catherine se préoccupait tout autant de l’éducation de ses petits-enfants. Ils se souviendront comment elle leur donnait des textes à apprendre et à déclamer. Et gare à la prononciation 64 !
Cela dit, Sr. M.-Sévérine se souviendra, même devenue vieille elle-même, des bonnes galettes au beurre que sa grand-mère Catherine cuisinait sur le poêle et que sa mère appelait de «la mort au beurre » 65.
Quatrième partie : décès (1922)
Décès de Mme Veuve Catherine Mulaire
Catherine Mulaire, née Lacerte, décéda chez sa fille Emma à Saint-Jean-Baptiste le 23 avril 1922 à l’âge de 78 ans, six mois et quelques jours. Une pneumonie l’avait terrassée en peu de temps 66. On notera que son époux était décédé le 25 avril 1871 … d’une pneumonie. Destin?
L’hebdomadaire manitobain La Liberté rapporta le décès de « Mme Veuve Catherine Mulaire » le 8 mai 1922. On souligna qu’elle avait passé l’hiver en « si bonne santé », mais qu’un refroidissement subit lui avait causé une inflammation des poumons. Au cours des dernières années, « elle s’était intéressée à ses enfants, a été zélatrice des orphelins de la Maison St-Joseph d’Otterburne et des Orphelins de Boston; et fut membre et bienfaitrice d’œuvres de charité. »
Son petit-fils Rosaire (fils d’Honoré) conduisit le deuil. Dans l’assistance, on signala, entre autres, M. et Mme Joseph Théroux et Mme Homer Théroux, des descendants de la famille d’Henriette Théroux, épouse de l’aïeul Joseph Muler/Mulère 67.
Conclusion : Enseignante pionnière? - Métisse ou Canadienne?
L’aspect le plus surprenant de Catherine Mulaire, née Lacerte, est qu’elle ne fit rien de grandiose sinon relever les multiples défis que la vie avait mis sur son chemin. Elle le fit, cependant, avec détermination et un sens de l’autonomie peu commun à son époque. Comment expliquer autrement qu’elle ne se soit pas remariée après le décès de son mari? L’enseignement lui permit de poursuivre sa voie, même si peu richement, mais avec la satisfaction d’accomplir une mission. Ce faisant, sa vie traversa les époques charnières de l’histoire de l’Ouest canadien, faisant d’elle un inlassable témoin. Partout, elle laissa des traces de son parcours, jusque dans les biographies de personnes importantes. Son zèle en fit une éducatrice parmi les premières à avoir exercé en tant que femme laïque chez les Métis et les Canadiens français de l’Ouest canadien. À sa manière, elle devint un personnage historique.
Enseignante pionnière?
Catherine Mulaire, née Lacerte, fut-elle une enseignante pionnière? En fait, pas vraiment, même si elle figure au palmarès des toutes premières.
Angélique et Marguerite Nolin avaient fondé une école de filles à Saint-Boniface en 1829, école qu’elles ont tenue jusqu’en 1834, puis à Baie-Saint-Paul de 1834 à 1841. Les tisserandes Ursule Grenier et Marguerite Lapalice ouvrirent une école technique à Saint-Boniface en 1838, fermée en 1841 (Boyd 59, Dorge 53, Reardon 54, 67). Puis les Sœurs Grises se chargèrent de l’enseignement dans leur couvent à partir de 1844 (Boyd 48-52). Enfin, n’oublions pas Juliette Lefebvre, d’abord postulante chez ces dernières, ensuite enseignante à Prairie du Cheval Blanc (Saint-François-Xavier) en 1849 (Boyd 86), puis à Pembina (Reardon 114) où elle compta Catherine Lacerte parmi ses élèves. Lefebvre enseigna ensuite au sein de la congrégation des Sœurs de la Propagation de la Foi.
Une place spéciale revient, toutefois, à Charlotte de Rocheblave, une Métisse née au Fort Mackinac dans l’actuel État du Michigan. En effet, cette dernière enseigna les langues autochtones aux missionnaires partant pour le Nord-Ouest, à Oka, au nord de Montréal, à partir des années 1820. L’un des missionnaires se nommait Georges-Antoine Belcourt (Chaput 1977).
Métisse ou Canadienne?
Catherine Mulaire revendiquait-elle une identité métisse ou canadienne (dans le sens de canadienne-française)? Voilà une question que nous pouvons nous poser. D’une part, elle a revendiqué un Certificat des Métis (Métis Land Scrip) selon les modalités prescrites par le gouvernement canadien, et elle n’a sans doute jamais renié ses parents ni ses origines autochtones. Tout de même, ne fut-elle pas essentiellement de culture « canadienne » de par son éducation obtenue dans un des meilleurs couvents du Canada, puis par son adhésion inconditionnelle à la religion catholique, par son mariage avec un Canadien; par son désir d’établir immédiatement des liens avec la famille de son mari; par les mariages de deux de ses trois enfants, Emma et Joseph-Hilaire à des Canadiens, alors que son fils Honoré épousa une Métisse, toutefois canadianisée. Enfin, sa descendance, y compris celle d’Honoré, a été élevée strictement de façon à répondre aux attentes de la société canadienne-française 68.
Reconnaissons que s’intégrer à la société canadienne-française, à sa religion, à ses valeurs, était une marque d’ascension sociale (voir Boyd 8s.). L’intégration se faisait d’autant plus attirante que la foi catholique ouvrait la voie au paradis, ce à quoi les infidèles ne pouvaient aspirer.
Cela créa, en fait, une « great divide » entre les populations issues de la nation métisse. Les Métis éduqués à la canadienne épousaient des Canadiens. Les autres épousaient des Métis. Les uns accédaient à la société canadienne, les autres restaient métis, avec tous les ennuis afférents. La valorisation de la nation métisse ne surviendra que beaucoup plus tard. C'est ainsi que Catherine Mulaire, née Lacerte, prend aujourd'hui toute la place qui lui est due.
Notes
Notes de la première partie
- 1. La Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie de la Baie d’Hudson avaient fusionné en 1821.
- 2. Abbé David Roy, lettre à B.M. du 11 janvier 1974 : « les Voyageurs ne faisant pas de canot l’hiver ».
- 3. La descendance de Louis et de Josèphe a été établie à partir du fonds généalogique de la SHSB, des Documents Picton, Généalogie, conservés à la SHSB, ainsi que de notes fournies à B.M. par l’abbé David Roy, 11 janvier 1974. Mme Catherine Levreault, petite-fille de Catherine, avancera que sa grand-mère était d’une famille de 24 ou 26 enfants : lettre à B.M., 16 février 1977.
- 4. SHSB Documents Picton, Généalogie. Selon l’abbé Picton, Louis Lacerte accompagna le Père Taché à l’Ȋle-à-la-Crosse en 1845.
- 5. SHSB, Documents Picton, Généalogie.
- 6. SHSB, Fonds Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, 0489/1115/43 : Notes – Souvenirs de Madame Joseph Mulaire, vers 1913.
- 7. SGM. Archives des Sœurs Grises, Montréal, Fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba : Georges-Antoine Belcourt, lettre à Sœur Ste-Marie, 27 juin 1854.
- 8. SGM. Archives des Sœurs Grises, Montréal, Fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba : Georges-Antoine Belcourt, lettre à Sœur Ste-Marie, 27 juin 1854.
- 9. SHSB. Fonds CACRSB, Lettres de l’abbé Belcourt, vol. 2, nᵒ 40, p. 239, Georges-Antoine Belcourt, à Charles-Félix Cazeau, 11 avril 1855.
- 10. SSNJM, G01.02/A, voir note de Sr Jean de Dieu, écrite sur la lettre que Catherine Mulaire adressa à Mère Véronique du Crucifix le 29 juin 1899.
- 11. Geneviève Noël, courriel à BM, 13 février 2020. La crise du coronavirus a interrompu les recherches sur Léocadie Martel. On ne sait encore comment elle a été inscrite à son arrivée au couvent des Sœurs des SNJM à Longueuil, ni précisément qui a payé les études de Catherine et de Léocadie.
- 12. SSNJM, L001/B3,2; MVC, I :297, 305.
- 13. Geneviève Noël, courriel à BM, 13 février 2020.
- 14. Geneviève Noël, courriel à BM, 14 février 2020.
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Notes de la deuxième partie
- SHSB. Fonds CACRSB, Lettres de l’abbé Belcourt, vol. 2, nᵒ 43, p. 252-253, 255, à Charles-Félix Cazeau, 5 novembre 1855.
- 16. SHSB. Fonds CACRSB, Lettres de l’abbé Belcourt, vol. 2, nᵒ 43, p. 255, à Charles-Félix Cazeau, 5 novembre 1855.
- 17. SGM. Archives des Sœurs Grises de Montréal, fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba : PO1-A-32, et PO1-A-2-16. Sœur Valade à Mère Deschamps. Maison Pv, SB. Historique doc. 144. Cette lettre a été citée par Fortier utilisant une mauvaise transcription, p. 19-20.
- 18. SHSB. Fonds CACRSB, Série Joseph-Norbert Provencher, copie MSS, cahier D, p. 175-177, « Pétition de St-Joseph, Pembina », 19 février 1862.
- 19a. SHSB, Fonds CACRSB, Georges Belcourt, Rustico, Ȋle du Prince Edouard, 12 janvier 1862 à ses Métis de St-Joseph et de Pembina. Cité par Jean-Marie Lestanc dans une lettre à Mgr Alexandre Taché, 26 février 1862, de Rivière-aux-Gratins.
- 19b. SHSB, Fonds Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, 0489/145/43, Notes -- Souvenirs de Madame Joseph Mulaire, « Extrait des Registres de Saint-Joseph, Leroy, N.D. » -- « Le 24 nov. 1862, après la publ. d'un ban faite au prône de la grande Messe entre Joseph Mulaire fils majeur de Joseph Mulaire et d'Henriette Paul de Saint-David, diocèse de Trois-Rivières Canada d'une part et Catherine Lacerte fille mineure de Louis Lacerte d'une autre part, dispense de deux bans ayant été accordée en vertu des pouvoirs reçus par nous de Mgr Grace, évêque de Saint-Paul, aucun empêchement ne s'étant présenté, nous avons reçu le consentement des contractants et leur avons donné la bénédiction nuptiale. Témoins : Charles Bottineau, Pierre Lacerte. André, O.M.I. » -- Le Père Alexis André, O.M.I., célébra le mariage.
- 20. Les anciens de la famille Mulaire racontaient que l’aïeul provenait de l’Alsace-Lorraine; l’un n’empêche pas l’autre. Voir Mme Valerie Smith, Providence (Rhode Island), lettre à René Mulaire, 23 mars 1963.
- 21. La Municipalité de Nicolet-Yamaska, « Historique », https://www.mrcnicolet-yamaska.qc.ca/fr/la-mrc/historique, consulté le 16 mars 2020.
- 22. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977. Mme Valerie Smith, Providence (Rhode Island), lettre à René Mulaire, 23 mars 1963.
- 23. Sr Marie Ste-Valérie, p.m., Hudson (New Hampshire), lettre à B.M., 17 août 1974.)
- 24. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977. Après la débâcle des Sœurs de la Propagation de la Foi, outre Juliette Lefebvre retournée au Canada, la supérieure Sr Saint-François-Xavier (Isabelle Gladu) épousa Michael Dease (Fortier 22-23).
- 25. SHSB. Documents Picton, Généalogie.
- 26. À Pembina, Louis et Josèphe avaient eu sept autres enfants : Octave (1855), Isabelle (1856), Pierre (1858) et un second Joseph (1859), puis Alphonse et Mélanie en 1861, suivis de Marie-Madeleine en 1862.
- 27. SGM. Archives des Sœurs Grises, Montréal, fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba : Georges-Antoine Belcourt, lettre à Sœur Ste-Marie, 27 juin 1854.
- 28. https://en.wikipedia.org/wiki/St._Adolphe,_Manitoba
- 29. https://www.bac-lac.gc.ca/eng/census/1870/Pages/results.aspx?k=Lacerte+A... (site consulté le 2 avril 2020).
- 30. SHSB, Fonds CACRSB, Noël Ritchot, lettre à Mgr Alexandre Taché, 2 février 1881. L’écriture de M. Ritchot est quasi incompréhensible.
- 31. SHSB, Fonds CACRSB, Gabriel [Cloutier], lettre à Mgr Alexandre Taché, 9 mars 1885.
- 32. SHSB, Fonds CACRSB, [Mgr Alexandre Taché], Rat River Land difficulty, n.d.
- 33. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977. Voir aussi SHSB, Histoire de la croix, n.s., après 1929 : « ils étaient les derniers de la paroisse ».
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Notes de la troisième partie
- 34. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977.
- 35. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977.
- 36. Louis et Josèphe avaient eu cinq autres enfants à Saint-Norbert : Alphonsine en 1866, les jumelles Justine et Christine en 1868, et Marie-Louise en 1870.
- 37. SHSB, Fonds Soeurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, 0489/1115/43 : Notes – Souvenirs de Madame Joseph Mulaire, vers 1913.
- 38. C’était dans l’école que Mgr Taché et M. Ritchot firent bâtir. Voir SHSB, Documents Picton, Généalogie.
- 39. Pourtant, un document des Bureaux de poste, conservé aux Archives nationales du Canada, révèle que « Miss Lacerte » avait commencé à enseigner à Pointe-à-Grouette (Sainte-Agathe) dès la fondation de l’école le 1er novembre 1873. Voir ANC/NAC, http://data1.archives.ca/netacgi/n...b.dll?brs ?02010902ǀtopǀ0&r=1&f=G (site consulté le 31 mai 1999).
- 40. Voir SHSB, CACRSB, Fonds Taché, nᵒ 46179, Liste des institutions et des écoles catholiques du Manitoba, 1891. L’école de Dame Mulaire comptait 10 élèves. =
- 41. Honoré et Joseph-Hilaire, les fils de Catherine, possédaient des terres voisines à Otterburne, de l’autre côté de la rivière de celle de leur mère (Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977). C’est en 1899 que Catherine prit officiellement sa retraite de l’enseignement. Peut-être fut-elle-même obligée de se retirer – les Commissaires de l’école lui devant encore de l’argent en 1913 -- et que cela ait constitué la source de la cruelle épreuve dont elle se confia à Mère Véronique du Crucifix (SSNJM, G1.2/6,39, Mère Véronique du Crucifix, lettre à Madame Catherine Mulaire, 1er décembre 1899).
- 42. Boyd Appendix A, « Script Application of Catherine Mulaire », 15 juillet 1870.
- 43. SHSB, Fonds CACRSB, Catherine Mulaire, lettre à Mgr Alexandre Taché, 12 février 1868.
- 44. SHSB, Fonds CACRSB, numéros 5997-5998, General Report for the Parish of St. Norbert, 11 novembre 1868.
- 45. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977.
- 46. Papers in Reference to the Manitoba School Case Presented to Parliament during the Session of 1895, 116. Le rapport affirmait que l’honneur n’était pas simplement symbolique, mais on peut soupçonner que les récompenses furent attribuées généreusement, vu le nombre phénoménal d’objets en montre dans les expositions universelles comme la Colonial and Indian Exhibition.
- 47. SGM, M. prov. St-Boniface, Archives, Cahier nᵒ 7, 1887-1891, 1887, p. 789.
- 48. Voir aussi SSNJM, G1.2/6,21, lettre de Catherine Mulaire à Mère Véronique du Crucifix, 29 juin 1899 : son ancienne éducatrice lui rappelle qu’elle était alors accompagnée d’une fillette. C’était sa fille Emma.
- 49. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977.
- 50. MVC II:418, note 18; Geneviève Noël, courriel à B.M., 17 février 2020.
- 51. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 22 janvier 1978.
- 52. Jamais Catherine n’évoqua-t-elle, devant sa famille, la saga des Sœurs de la Propagation de la Foi. Sa petite-fille Sr M.-Sévérine n’en aura jamais entendu parler. Voir Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977; Boyd 113.
- 53. Léocadie Martel avait épousé Moise Azure à Pembina le 3 juin 1861. Voir Fortier 23.
- 54. SGM. Archives des Sœurs Grises, Montréal, fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba : Georges-Antoine Belcourt, lettre à Sœur Ste-Marie, 27 juin 1854.
- 55. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 11 novembre 1980. Voir aussi SHSB, Histoire de la croix, n.s., après 1929. Lorsque ses fils vendirent leurs terres en 1913, la croix fut déménagée dans la cour de l’Orphelinat Saint-Joseph dirigé par les Clercs de Saint-Viateur à Otterburne. En 1986, on l’érigea devant l’église d’Otterburne. Endommagée, elle a été récupérée par la famille dans l’attente de son futur emplacement.
- 56. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettres à B.M., 4 août 1977 et 22 janvier 1978; Mme Julie Reid, SHSB, courriel à B.M., 23 mars 2020.
- 57. SSNJM, G1/2/6,6, Mère Véronique du Crucifix, lettre à Madame Catherine Mulaire, 16 février 1897; et G1/2/6,98, idem, 18 novembre 1902.
- 58. SSNJM, G/.2/6,16) Mère Véronique du Crucifix, lettre à Madame Catherine Mulaire, 14 mai 1899.
- 59. SSNJM, Mère Véronique du Crucifix, lettre à Madame Catherine Mulaire, 29 juillet 1901; Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977.
- 60. Nombre de parents et d’amis trouvèrent refuge chez Emma et Félix, dont plusieurs pour y mourir. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977; Mme Oliva Rey, lettre à B.M., 19 mai 1977.
- 61. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 4 août 1977; Mme Oliva Rey, lettre à B.M., 13 août 1977; Mme Catherine Levreault, lettre à B.M., 7 février 1977.
- 62. Catherine Mulaire, lettre à sa nièce Joséphine Riendeau, 18 novembre 1918, transmise à B.M. par Oliva Rey, née Mulaire, 19 mai 1977.
- 63. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 22 janvier 1978.
- 64. Mme Flora M. Gaudry, Langley (C.-B.) conversation téléphonique avec B.M., 29 février 2020.
- 65. Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 16 juin 1978.
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Notes de la quatrième partie
- 66. SHSB, dossiers généalogiques; Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M., 16 juin 1978.
- 67. Par cousinage récent entre les familles, les Théroux de Saint-Pierre étaient apparentés aux Mulaire des États-Unis, eux-mêmes comptant parmi la progéniture des frère et sœur de Joseph Miller/Mulaire, l’époux de Catherine. Voir Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., lettre à B.M, 4 août 1977.
- 68. Boyd 8-14 aborde le sujet des identités métisse et canadienne-française de Catherine Mulaire.
Bibliographie
SGM. Archives des Sœurs Grises, Montréal : Fonds Maison provinciale Saint-Boniface, Manitoba
- SHSB. Archives de la Société historique de Saint-Boniface : Fonds CACRSB (Corporation archiépiscopale catholique romaine de Saint-Boniface!), Série Alexandre-Antonin Taché, T; Fonds Soeurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, 0489/1115/43, Notes – Souvenirs de Madame Joseph Mulaire, vers 1913; Histoire de la croix, n.s., après 1929; Documents Picton, Généalogie; Documents généalogiques sur les familles Lacerte et Mulaire.
- SSNJM. Service central des archives de la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, Longueuil : Fonds du Pensionnat du Saint-Nom-de-Jésus (Longueuil, Québec); Fonds Correspondance entre Mère Véronique du Crucifix et Catherine Mulaire, du 16 septembre 1896 au 18 novembre 1902.
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- [Chaput, s.n.j.m., Hélène], « Catherine Mulaire (née Lacerte), 1844-1922 », dans Femmes de chez nous, Saint-Boniface, Les Éditions du Blé (Cahiers d’histoire de la Société historique de Saint-Boniface, 4), 1985, p. 91.
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- MVC. Histoire de la Congrégation des Sœurs des SS. NN. de Jésus et de Marie : Mère Véronique du Crucifix, Montréal, Thérien Frères, Limitée, 1930, 2 volumes.
- Papers in Reference to the Manitoba School Case Presented to Parliament during the Session of 1895, printed by Order of Parliament, Ottawa, 1895.
- P.S., « En province : St Jean-Baptiste », La Liberté, Winnipeg, 9 mai 1922 (nécrologie de Mme Veuve Catherine Mulaire), p. 5.
- Reardon, James Michael, George Anthony Belcourt, Pioneer Catholic Missionary of the Northwest, 1803-1874, St. Paul (Minnesota), North Central Publishing Company, 1955.
- Roy, abbé David, notes généalogiques et autres renseignements sur les familles Lacerte et Mulaire fournies à B.M., 1973-1974.
Remerciements
- L’auteur rend hommage à Mme Diane Michelle Boyd qui a cité ses travaux avec générosité dans son mémoire The Rise and Development of Female Catholic Education in the Nineteenth-Century Red River Region: The Case of Catherine Mulaire. Il signale l’excellent ouvrage Famille Emery Mulaire et Rose Tétreault, dirigé par Marguerite Mulaire, s.n.j.m., 2006.
- Ses remerciements vont à Mmes Julie Reid, archiviste de la SHSB; Geneviève Noël, archiviste des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, Longueuil (Québec); Alcée Penet, archiviste des Sœurs Grises, Montréal; ainsi qu'à feu Lionel Dorge, archiviste de l’Archevêché de Saint-Boniface; M. Daniel Sauerwein, State Historical Society, Bismarck (North Dakota), et M. Philippe Mailhot, historien, Winnipeg.
- Il reconnaît aussi l’apport de feu l’abbé David Roy, et de feu les petites-filles de Catherine Mulaire : Sr M.-Sévérine, s.n.j.m., née Évélina, fille de Joseph Mulaire, Winnipeg; Mme Oliva Rey, fille d’Honoré Mulaire, Portage la Prairie (Manitoba); Mme Catherine Levreault, fille d’Emma Grégoire, née Mulaire, Saint-Boniface. De plus, il remercie leurs petites-cousines : feu Sr Marie Sainte-Valérie, p.m., de Hudson (New Hampshire) et Mme Valerie Smith de Providence (Rhode Island) écrivant à René Mulaire. Enfin, il souligne l’appui inconditionnel de sa sœur Mme Flora M. Gaudry de Langley (Colombie-Britannique), et les bons conseils prodigués par M. Roger Léveillé de Winnipeg et par M. André Landry de Paris.
© SHSB et Bernard Mulaire, 2020.
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