Avec nuances, mais sans tabou

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Mot de la rédaction : Le 50e anniversaire de la loi qui a décriminalisé l'homosexualité au Canada a inspiré à l'artiste et écrivain Bernard Mulaire un témoignage-réflexions qu'il a conçu comme un questions-réponses. Beaucoup de chemin a été fait depuis 1969.

En quoi la loi omnibus a-t-elle changé la vie des homosexuels?

La loi omnibus a d’abord tout changé et a peu changé la vie des homosexuels. Elle l’a changée en libérant les adultes consentants de la crainte d’enfreindre la loi, avec toutes les conséquences désastreuses que cela entraînait pour eux. Mais les mentalités n’ont pas changé pour autant et les préjugés contre les homosexuels ont persisté. Les descentes policières ont continué dans les bars gais au Canada jusqu’aux années 1990. C’est sans parler de la discrimination pratiquée systématiquement contre eux dans toutes les sphères de la vie courante : familiale, sociale, professionnelle.

Si l’homosexualité était considérée comme un crime avant 1969, elle est restée maladie mentale jusqu’en 1973 quand l’Association américaine de psychiatrie l’a rayée de ses listes de pathologies. Mais c’était sans compter sur les Croyances qui la condamnent avec véhémence. L’Ancien Testament ne la déclare-t-il pas une « abomination » (Lv 18,22; 20,13)?

Même la légalisation du mariage civil entre personnes de même sexe obtenue au Canada en 2005 n’a pas rallié tout le monde, et que dire de la possibilité revendiquée par les personnes homosexuelles de procréer?

Un phénomène étonne toujours, soit la capacité qu’ont certains hétérosexuels qui professent d’aimer leurs prochains de s’entêter à refuser leur soutien aux homosexuels parmi leurs proches. Tout à coup, la peur de subir le jugement des autres prend le dessus. Des parents vont préférer protéger leur propre bonheur plutôt que d’aider leurs enfants à atteindre le leur. Ils envoient à leur progéniture le message suivant : « Soyez malheureux s’il le faut, mais ne ruinez pas notre quiétude. » On cherchera à comprendre leur attitude.

On trouvera ironique aussi que la plupart des homosexuels sont nés dans des familles hétérosexuelles. N’est-ce pas bizarre que l’ « abject » puisse germer et croître dans la « perfection »?

En fait, ce qui choque certains hétérosexuels dans la pratique de l’homosexualité, c’est justement l’aspect sexuel. Les parents regarderont d’un œil attendri les amourettes de leurs adolescents hétérosexuels en se disant qu’ils font la découverte de l’amour, s’épanouissent, acquièrent une maturité. Mais ces mêmes parents se braqueront si leur jeune exprime une préférence pour une personne du même sexe.

Dès cet instant, ce qui frappe l’imagination des parents, c’est l’acte sexuel, même si l’acte se fait avec les mêmes organes, si beaux dans l’hétérosexualité, si repoussants dans l’homosexualité. Comme si la rencontre hétérosexuelle lavait le sexe de sa saleté, le purifiait. Pourtant le corps conserve ses caractéristiques, que la rencontre se fasse dans la différence ou la ressemblance.

Malgré tout, depuis l’instauration de la loi omnibus de 1969, les homosexuels ont fait de grands pas vers la pleine affirmation de leur droit à l’existence…

Des vedettes du spectacle, des athlètes de haut niveau, des femmes et hommes politiques, des artistes et intellectuels s’affichent naturellement. Partout les jeunes foncent, prennent leur place.

Quels anciens du Collège de Saint-Boniface auraient pu imaginer qu’il existerait un jour une association des LGBTQ+ à l’Université de Saint-Boniface – malgré, il est vrai, des manifestations d’homophobie de la part de quelques étudiants? Que le Festival du Voyageur aurait sa soirée « drag »? Que La Liberté, ancienne publication officielle des oblats, publierait régulièrement des articles sur des personnes LGBTQ+ du Manitoba, en plus de fournir un lexique des termes appropriés? Enfin, qu’il se crée actuellement un collectif communautaire des LGBTQ+ francophones?

Oui, les homosexuels ont quand même fait beaucoup de chemin depuis 1969.

Espérons que les personnes maintenant hostiles à l’homosexualité emboîtent le pas, et acceptent que tous ont droit à l’amour et au bonheur.

Bernard Mulaire à l’occasion d’un voyage à Marseille en 2017. Au fond, on distingue la célèbre Notre-Dame de la Garde. Photo : gracieuseté André Landy.

© La Liberté et Bernard Mulaire, 2019.

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