Les secrets de saint Joseph
Bernard Mulaire, Bulletin de la Société d’histoire du Plateau Mont-Royal, Montréal, vol. 13, no 3 (automne 2018), p. 16 et 17.
imprimerEn 2015, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), nouveau propriétaire de l’hôpital Hôtel-Dieu de Montréal, confia au Centre de conservation du Québec (CCQ) la restauration de la statue de saint Joseph qui avait surmonté la façade du pavillon Marie-Morin depuis 1924. Soulignons que saint Joseph est le saint patron des Religieuses hospitalières Saint-Joseph, fondatrices de l’Hôtel-Dieu de Montréal.
Le Saint Joseph du CHUM est une œuvre du sculpteur Olindo Gratton (1855-1941), le même qui réalisa les anges de l’église Saint-Enfant-Jésus, lesquels furent restaurés à l’initiative de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal (SHP). Dirigé sur une période de six ans par Kevin Cohalan, ancien vice-président de la SHP, le projet du « Retour des Anges » redonna toute sa splendeur à la façade de l’église de la paroisse fondatrice du Mile-End.
Le Saint Joseph de l’Hôtel-Dieu avait été sculpté sur bois par Gratton, puis, dans le but d’en assurer la longévité, le sculpteur l’avait recouverte de feuilles de cuivre martelées sur le bois. Ensuite, celles-ci avaient été soudées entre elles aux jointures. C’est ce qu’on appelle la technique du cuivre repoussé sur bois, ou le bronze des pauvres.
En effet, le cuivre repoussé sur bois permettait la réalisation d’œuvres moins coûteuses que le bronze. Cette technique a été utilisée partout au Québec. Le Saint Jacques-le-Majeur de Gratton et Laperle (Richard Banlier dit Laperle) sur la façade latérale de l’église Saint-Jacques, maintenant intégrée au pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM rue Sainte-Catherine Est à Montréal, est faite de cette façon, de même que la Vierge colossale de Laperle et ses anges sur la toiture de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours dans le Vieux-Montréal. Les treize statues de Gratton sur la façade de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde à Montréal sont aussi des cuivres repoussé sur bois.
Au cours de la restauration du Saint Joseph du CHUM, quelle ne fut pas la surprise des restaurateurs du CCQ, dirigés par Aude Connord, de découvrir que la statue renfermait des secrets. En effet, ils trouvèrent deux capsules temporelles encaissées dans l’âme en bois de la statue. Celles-ci prenaient la forme d’une bouteille et d’un tube en verre.
Les capsules contenaient des documents révélant que la statue avait été bénie le 27 juin 1924, fête du Sacré-Cœur, et érigée le 30 juin suivant. Sont indiqués les noms des donateurs et est attesté le fait que la statue est l’œuvre du sculpteur Joseph O. Gratton de Sainte-Thérèse-de-Blainville. Il avait utilisé des chevrons de l’aile de l’Orphelinat bâti en 1861; ces chevrons avaient été enlevés en 1923 pour la construction du Département des gardes. On y trouve aussi les noms des employés ingénieur, menuisier, électriciens, ferblantier, plombier qui travaillèrent à la réalisation de la statue.
De plus, s’y trouvaient une prière à saint Joseph et deux coupures de journaux datant du lendemain de la bénédiction. On y apprend que la statue mesure 10 pieds 2 pouces. On y dit que « c’est à l’occasion du 3e centenaire du patronage de saint Joseph que les religieuses, avec un groupe de bienfaiteurs, ont rendu cet hommage au grand saint, patron du Canada ».
Sur demande expresse des Religieuses hospitalières, les capsules et leurs documents furent replacés dans la statue restaurée avec, en supplément, une capsule faisant état des travaux de restauration.
On devine la tête que vont faire ceux qui les trouveront dans 90 ans!
Bernard Mulaire est l’auteur de l’ouvrage Olindo Gratton (1855-1941) : Religion et sculpture, Montréal, Les Éditions Fides, 1989. Il a aussi signé les entrées sur Gratton dans David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord, Québec, Musée du Québec / PUL, 1992, et dans Allgemeines Künstlerkexikon, München/Leipzig, tome 60 (2008).
Remerciements au CCQ pour des photographies © J. Beardsell/Centre de conservation du Québec/2015. Voir aussi son Rapport de restauration final (dossier no 0-2012-22), publié en février 2017, ainsi que, sur YouTube, son reportage de trois minutes sur la découverte en 2015 des capsules temporelles www.youtube.com/watch?v=deGAJTu10fY&t=47s.
© Bernard Mulaire et Bulletin de la Société d’histoire du Plateau Mont-Royal, 2018.
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