Sept entrées portant sur des artistes du Québec

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Gratton, Joseph-Olindo (p. 362 et 363)

Né le 23 novembre 1855 à Sainte-Thérèse de Blainville (Québec), décédé le 14 novembre 1941 au même endroit. Sculpteur et professeur de sculpture. Joseph-Olindo Gratton constitue un important maillon dans l'histoire de la sculpture au Québec, particulièrement dans la région de Montréal et dans le domaine religieux.

Après des études au Petit Séminaire de Sainte-Thérèse et, vraisemblablement à l'École normale Jacques-Cartier de Montréal, il entra fin 1872, début 1873, à l'atelier du sculpteur statuaire et ornemaniste Charles-Olivier Dauphin*. À cette époque, Dauphin était établi rue Saint- Denis à Montréal. Bien que la période de l'engagement ait été brève (Dauphin décéda le 12 janvier 1874), le maître aura réussi à transmettre à l'apprenti, comme Gratton l'indiquera plus tard, une connaissance parfaite de la façon de traiter le bois.

À la suite du décès de son maître, Gratton s'associa au fils cadet de ce dernier, l'architecte Joseph-Henri-Arthur Dauphin. Aucune œuvre ne peut être reliée à cette maison architecturale outre un plan de monument à la mémoire de Maisonneuve proposé en 1879. Toutefois, il semble raisonnable de croire que Gratton se soit chargé de sculpture ornementale et de fine menuiserie, lui qui à l'époque se disait tailleur sur bois (sculpteur ornemaniste) et ébéniste.

Les premières œuvres connues de Joseph-Olindo Gratton datent de 1877-1879 lorsqu'il aborda la statuaire religieuse. Une Immaculée Conception (1879) en bois conservée au Musée du Séminaire de Québec remonte à cette période.

En 1881, Joseph-Olindo Gratton, qui désirait se perfectionner en statuaire, loua ses services à Louis-Philippe Hébert qui partageait alors à Montréal l'atelier de Napoléon Bourassa. Dans l'entourage de Bourassa, artiste, architecte et premier critique d'art du Québec, Gratton se découvrit une identité d'artiste. L'exemple que lui avait donné Charles-Olivier Dauphin, disposé à satisfaire tout aussi favorablement une demande religieuse ou profane, trouva auprès de Bourassa une justification intellectuelle. Tout artiste se devait de mettre son talent au profit de l'édification du peuple selon deux axes thématiques clairement définis, la Religion et la Patrie. Gratton allait très tôt tenter sa chance dans l'arène de la sculpture commémorative (profane), mais à cause des carences qu'accusait sa formation, ce champ sera accaparé en définitive par L.-P. Hébert, qui deviendra »sculpteur national«. Gratton conservera le pôle religieux, répondant ainsi aux impératifs idéologiques de son temps jusqu'aux débuts des années 1930.

Auprès d'Hébert, Gratton, déjà ornemaniste d'expérience, assuma les fonctions de chef d'atelier1. De cette collaboration découla la majeure partie du vaste programme statuaire ornant le sanctuaire de la cathédrale Notre-Dame d'Ottawa (1881-1887). Cette décoration comprend treize bas-reliefs et près de soixante statues de bois. En 1882, Philippe Laperle* se joignit au personnel de l'atelier. Vers 1883, Raymond Masson, de la famille du dernier seigneur de Terrebonne (Québec), vint s'initier au modelage auprès d'Hébert et de Gratton, suivant en cela la recommandation que lui avait faite N. Bourassa.

À la suite du départ d'Hébert pour Paris en 1888, Gratton et Laperle s'associèrent dans le but d'assurer une continuité à la production religieuse de leur ancien patron. Collaborant jusqu'en 1891, ils exécutèrent notamment un ensemble de douze statues pour l'ornementation du maître-autel de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours à Montréal (1889-1890). Comme Hébert avant eux, ils devinrent les statuaires attitrés des architectes Maurice Perrault et Albert Mesnard de Montréal.

Élève d'Hébert en modelage à l'école du Conseil des arts et manufactures à Montréal en 1883-1884, Gratton aurait aussi fréquenté vers 1886-1887 l'Institut national des beaux-arts dirigé par l'abbé Joseph Chabert. En 1887, il remplaça Hébert à la direction du cours de modelage à l'école du conseil, puis, en 1894, il succéda à Arthur Vincent comme professeur de modelage et de sculpture sur bois. Gratton enseigna conjointement avec Hébert de 1895-1896 à 1897-1898, reprenant seul l'enseignement du modelage en 1898-1899. Alexandre Carli prit la place de Gratton à l'automne de 1899. Parmi ses élèves, Gratton comptait les sculpteurs Jules Leprohon, Elzéar Soucy, Cléophas Soucy, et Alfred Laliberté.

À la fin de 1900, début 1901, Gratton retourna vivre à Sainte-Thérèse. La période montréalaise avait été marquée en 1891-1892 par une participation à la décoration de la chapelle Notre-Dame-du-Sacré-Cœur de l'église Notre-Dame de Montréal, entreprise dont le volet pictural avait été financé par le curé Alfred-Léon Sentenne. De 1892 à 1893 et de 1898 à 1900, le sculpteur réalisa les treize statues colossales, de cuivre repoussé sur bois, qui dominent la façade de la cathédrale Saint-Jacques-le-Majeur à Montréal. L'ensemble forma le point culminant de sa carrière, tant par l'envergure de la commande que par le prestige de l'édifice. Gratton faisait ainsi écho sur le plan religieux à la statuaire patriotique façonnée par Hébert pour la façade du Parlement Québec.

Durant les premières décennies du siècle, Gratton, devenu un aîné sur la scène artistique montréalaise, ressentit des changements qui s'opéraient en matière d'esthétique. En 1902, il put tout de même ériger un monument profane, avec statue en cuivre cependant (le monument Barthélemy Joliette à Joliette), exploit qu'il ne répéta qu'en 1925, mais avec un bronze (le monument au curé Ducharme à Sainte-Thérèse). En 1905, il se rendit ce à Fall River (Massachusetts), où il fabriqua, en bois recouvert de cuivre, une colossale statue de sainte Anne pour l'hôpital du même nom de cette ville. Puis, en 1911, il prit part au premier salon de peinture et de sculpture au Club Saint-Denis de Montréal.

Les années 1920 représentèrent pour le sculpteur une véritable renaissance, peut-être due à J'exposition de ses œuvres que présenta la bibliothèque Saint-Sulpice de Montréal en 1918. Des commandes se multiplièrent pour d'ambitieux ensembles statuaires en bois destinés à des églises montréalaises : Saint-Louis-de-France (1920-1921), Saint-Viateur d'Outremont (1923-1927), Sainte-Catherine-d'Alexandrie (1926-1929) et Sainte-Madeleine d'Outremont (1930). En plus, il tailla en 1922 un Ecce Homo en ronde-bosse, grandeur nature, pour San Diego (Californie).

Au cours des années trente, Gratton, faute de débouchés en statuaire, renoua avec ses premières amours, c'est-à-dire la sculpture ornementale pour mobilier d'église, et il s'amusa à faire des bustes en plâtre des personnalités publiques de l'heure. Parmi ses dernières œuvres, Le Spectre de la guerre (un plâtre d'inspiration symbolique modelé vers 1936-1939) marqua une nouvelle étape dans sa production.

Passé à l'oubli après son décès, Joseph-Olindo Gratton a fait l'objet d'un lent regain d'intérêt depuis 1970 quand Franklin Toker le mentionna dans son étude sur l'église Notre-Dame de Montréal à cause des groupes en bois, Ecce Homo et Le Baiser de Judas (1892). Plus récemment, en 1986, John R. Porter et Jean Bélisle, dans La Sculpture ancienne au Québec : Trois siècles d'art religieux et profane, accordèrent une attention inégalée au sculpteur poussant leur appréciation jusqu'à souhaiter voir paraître une monographie sur lui. Puis, au printemps de 1987, le Musée du Québec acquit une première œuvre de Joseph-Olindo Gratton, soit une statue de saint Henri, de fortes dimensions, en cuivre repoussé sur bois, réalisée par lui et son associé Philippe Laperle vers 1889-1890, C'était l'acquisition muséale la plus importante qui ait été faite jusqu'alors d'une œuvre de Gratton. Enfin, la galerie d'Art de l'Université du Québec à Montréal présenta à l'automne de 1989 une exposition des œuvres religieuses du sculpteur, intitulée Olindo Gratton (1855- 1941) : Religion et Sculpture. B.M., invité, signa le catalogue portant le même titre (Montréal, 1989).

Le corpus grattonien comporte plus de trois cents œuvres connues. Il occupe à Montréal un créneau analogue à celui réservé à Québec aux œuvres de son contemporain, Louis Jobin.

MSQCOL89 - MULAIR86 - PORBEL86 - PPCAPDIA (1988.01-03) 78 - PPCONTIN (1987.10-12) 47 - TOKERF81

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© Musée du Québec / Presses de l'Université Laval, 1992.

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