Sept entrées portant sur des artistes du Québec
Bernard Mulaire, dans David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord, Québec, Musée du Québec / Presses de l'Université Laval, 1992 (963 pages)
imprimerDauphin, Charles-Olivier (p. 214 et 215)
Né à Montréal le 17 novembre 1807, décédé le 12 janvier 1874 à Montréal. Sculpteur statuaire et ornemaniste. Charles-Olivier Dauphin fit l'apprentissage de la sculpture auprès de Pierre-Urbain Brien, dit Desrochers, maître sculpteur de Pointe-aux-Trembles (Montréal), qui l'engagea pour six ans par acte notarié le 16 mai 1825.
Brien dit Desrochers faisait carrière au Québec. Le jeune Dauphin aurait appris son métier en mettant la main aux travaux de l'atelier. Depuis 1819, le maître travaillait à l'ornementation intérieure de l'église Sainte-Trinité à Contrecœur. La fabrique va lui verser des sommes d'argent jusqu'en 1833. Parallèlement, Desrochers accepta des commandes pour l'ancienne église de Louiseville. En 1826, il construisit le maître-autel et, en 1828-1829, le banc d'œuvre et la chaire (ces ouvrages ont été détruits dans un incendie en 1926). Au moment de l'exécution de ce mobilier, le personnel de l'atelier comprenait Étienne Dauphin, le menuisier Louis Marion et le sculpteur Louis Narbonne, qui réalisèrent la chaire et y posèrent une planchette signée de leurs noms. En 1831, l'atelier de Desrochers entreprit des travaux de sculpture, dont un chandelier pascal, pour l'église de l'Hôpital général des Sœurs Grises de Montréal.
Les débuts de Dauphin comme sculpteur indépendant restent obscurs. Le 25 février 1840, il épousa Zoé Joutras à l'église Notre-Dame de Montréal. Selon l'annuaire commercial de cette ville, Charles Dafau (sic), sculpteur, était établi rue Sainte-Marie près de Panet en 1842, tandis que de 1844 à 1847, Charles Dauphin, carver (tailleur de bois), était installé rue Montcalm près de Lagauchetière. En 1848, le sculpteur avait un atelier rue Saint-Denis, au nord de l'actuelle rue Maisonneuve, où il demeura jusqu'à son décès en 1874.
Au cours des ans, Dauphin engagea plusieurs apprentis. Vers 1849, il accueillit Augustin Buteau, qui devint son compagnon ou associé. Ce dernier resta à l'atelier jusqu'à son décès en 1871. Furent également admis Arthur Vincent, apprenti de 1865 à 1870, et Lucien Benoît de 1870 à 1874. Vers 1872-1873, Joseph-Olindo Gratton* et Joseph Brunet entrèrent à l'atelier, où ils côtoyèrent Benoît et les trois fils de Dauphin, Joseph-Charles-Flore, Charles-Joseph et Joseph-Arthur-Henri.
Dauphin a pratiqué tous les genres de sculpture, tant les ornements (pour édifices civils et religieux) que la statuaire (religieuse et profane), sans oublier l'ébénisterie liturgique. Il a utilisé le bois et le plâtre, et eut recours à la polychromie.
Fidèle aux marchés traditionnels religieux, le sculpteur attira l'attention du public, dès 1848, en taillant une statue en bois de la Vierge destinée à l'abside de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours. Cette statue surplomba le port de Montréal jusqu'en 1892. En partie grâce à cette réalisation, le sculpteur devint suffisamment connu du grand public pour qu'un journal montréalais le désigne seulement par son nom (La Minerve, 26 décembre 1849).
À mi-chemin entre les figures de proue et les statues commémoratives se situe un Jacques Cartier que Dauphin sculpta en 1861 pour la façade d'un édifice commercial appartenant à un dénommé Dubois, à l'angle des rues Saint-Jean et de l'Hôpital à Montréal. Dauphin devança ainsi d'un an François-Xavier Berlinguet qui façonna une statue du célèbre Malouin pour orner le dôme d'un édifice à Québec. L'œuvre de Dauphin suscita les louanges de la presse, tel qu'en témoigne un article paru dans Les Beaux-Arts (Montréal, 25 mars 1864). On y apprend que Dauphin était alors fort apprécié aussi comme ornemaniste pour les maisons de ville, produisant ornements, cordons, frises et chapiteaux.
La concurrence progressive des statuaires italiens installés à Montréal au milieu du XIXe siècle incita Dauphin à collaborer avec ses rivaux. Ainsi aurait-il exécuté en 1863, pour le compte de la maison Catelli, la Vierge de l'autel du nom en l'église Saint-Jacques de Montréal. L'année suivante, il fit pour Baccerini & Cie les modèles en plâtre de trois statues, un Saint Joseph, une Immaculée-Conception et un Saint Jean-Baptiste, commandées pour la façade de l'église Notre-Dame de Montréal (Thomas Carli, employé de Baccerini, moula en ciment les œuvres définitives).
Les années 1867-1870 furent particulièrement productives pour l'atelier de Dauphin. En 1867, Dauphin et son confrère, Augustin Buteau, taillèrent les statuettes et les ornements de la chaire de l'église Saint-Jacques (incendiée en 1933). En 1868, ils exécutèrent pareillement la sculpture du buffet de l'orgue Louis-Mitchell de cette église, un meuble dessiné par l'architecte Victor Bourgeau (en 1866, une des filles de Dauphin avait épousé l'associé de Bourgeau, Étienne-Alcibiade Leprohon, fils du sculpteur Louis-Xavier Leprohon). L'atelier atteignit son apogée en 1868-1870 lorsque Dauphin sculpta en bois une trentaine de statues, la plupart des anges musiciens, couronnant le buffet de l'orgue Louis-Mitchell conçu pour l'église Holy Family de Chicago.
À la mort de Dauphin, ses fils terminaient trois autels pour Pictou (Nouvelle-Écosse).
Fort diversifiée, la production de l'atelier de Dauphin montre une honnête volonté de se mettre au diapason des changements qui touchèrent la pratique sculpturale durant les deuxième et troisième quarts du XIXe siècle. Malgré des lacunes imputables à la formation artisanale qu'il avait reçue, Dauphin eut la distinction, comme nul autre sculpteur canadien français de sa génération, de mériter l'estime des premiers artistes académiques francophones de Montréal, soit l'artiste et critique Napoléon Bourassa et son protégé Louis-Philippe Hébert, sans oublier bien sûr Gratton, en quelque sorte son disciple.
DICBIOCA - DAFAMULA -MULAID84 - MULAIR86 - PORBEL86 -PORDES79
Sept entrées portant sur des artistes du Québec – DESMARAIS, Roses-Anna... >>
© Musée du Québec / Presses de l'Université Laval, 1992.
Toute reproduction ou adaptation est interdite sans l'autorisation de l'éditeur. Les citations doivent indiquer la source.