Cinquante-deux entrées portant sur des artistes francophones
de l’Ouest canadien
Bernard Mulaire, dans David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord, Québec, Musée du Québec / Presses de l'Université Laval, 1992 (963 pages)
imprimerMathey, Jean (p. 550)
Né vraisemblablement en Suisse, vivait en 1824. Aquarelliste. Jean Mathey aurait dessiné à la Rivière-Rouge (actuelle région de Winnipeg et de Saint-Boniface, Manitoba), au début du XIXe siècle, deux portraits miniatures à l'encre et à l'aquarelle appartenant aujourd'hui à la Société historique de Saint-Boniface. L'attribution de ces œuvres à Jean Mathey est fondée sur une inscription qui se trouve sur l'unique passe-partout (carton fort ancien) qui les protège. L'inscription au complet se lit comme suit : «Premiers portraits peints à la Rivière Rouge / 1824 / par Jean Mathey». L'image de gauche montre une fillette en pied tenant à la main une branche de rosier; celle de droite un jeune homme assis, surpris dans sa tâche de cordonnier. Les sujets sont identifiés sur le passe-partout comme étant «Catherine Lamaire» et «Joseph Lamaire».
Le mystère reste entier sur l'identité de l'artiste qui, par ailleurs n'a laissé aucune autre œuvre. Faute de preuve, on a avancé l'hypothèse qu'il s'agissait du capitaine Frédéric Mathey, ou encore de Matthey-(Jonais). Ce dernier, un Suisse, appartenait au régiment des Meurons que Lord Selkirk engagea en 1816 pour défendre les colons de la Rivière-Rouge, dans le conflit qui opposa les compagnies de traite des fourrures (la North West Company et la Hudson's Bay Company). L'été de la même année, Matthey participa à l'attaque contre le quartier général de la North West Company à Fort William, et le printemps suivant, il aida à reprendre le fort Douglas et à y rétablir les colons.
En retour de leurs services, Lord Selkirk avait promis aux mercenaires de les installer à la Rivière-Rouge. Le nom de Matthey figure comme propriétaire terrien au recensement de la colonie de 1822-1823. Il retourna en Suisse en 1824.
Les deux portraits constituaient peut-être un cadeau que l'artiste a offert à de bons amis lors de son départ. Le Canadien Joseph Lamère ([sic], ou Lemaire) avait épousé Reine Lagimodière, première femme blanche née à l'ouest des Grands Lacs. Reine était en outre la sœur aînée de Julie Lagimodière qui allait donner naissance au leader métis Louis Riel. La fillette, Catherine, serait donc plus tard la cousine de ce célèbre personnage, ainsi que de sa sœur Marie-Sara Riel*.
Sur le plan stylistique, les portraits des Lamaire rappellent la minutie des œuvres d'un autre artiste suisse qui travailla à la Rivière-Rouge, Peter Rindisbacher, qui y habita de 1821 à 1826. Fils d'une famille de colons attirée par Lord Selkirk, le jeune Peter n'avait que quinze ans à son arrivée, mais il s'appliqua aussitôt à donner un témoignage visuel de la vie dans la colonie et dans le Nord-Ouest. Certaines de ses aquarelles pourraient prétendre au portrait, et les œuvres de Mathey pourraient représenter plus précisément les premiers portraits de Canadiens français ayant résidé à la Rivière-Rouge.
Montrés en permanence au Musée de Saint-Boniface, les portraits [des1] Lamaire ont souvent été exposés depuis 1956 à la Winnipeg Art Gallery. En 1970, ils faisaient partie de l'exposition 150 Years of Art in Manitoba (The Winnipeg Art Gallery pour la Législature manitobaine).
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© Musée du Québec / Presses de l'Université Laval, 1992.
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